Fascisme : Faut-il crier au loup ?
Nous sommes en 1925. Mussolini est au pouvoir en Italie depuis 1922, mais Hitler et les nazis devront attendre encore huit ans pour y parvenir en Allemagne. C’est le moment où Fernand Loriot [1] publie des thèses dans lesquelles figure un important chapitre consacré à une définition du fascisme. [2]
Pour l’auteur, le fascisme est un instrument de guerre civile de la grande bourgeoisie lorsque l'appareil de contrainte et de répression de l’État s'avère insuffisant pour contrôler l’action révolutionnaire du mouvement ouvrier. Afin d'entraîner derrière lui les classes moyennes et même une partie de la classe ouvrière, le fascisme se pare d'une idéologie qui exalte le sentiment patriotique, les idées d'ordre, d'autorité, de discipline dans le cadre de la société capitaliste. Cette idéologie, au service des intérêts de classe de la bourgeoisie identifiés avec l'intérêt national, est d'essence impérialiste comme en témoigne son goût des aventures belliqueuses.
Dans le même temps, sous couleur d'entente entre le capital et le travail, le fascisme s'oppose de toutes ses forces aux luttes du mouvement ouvrier et a recours à la violence de ses organisations paramilitaires pour les briser.
Pour Fernand Loriot, dans la France de 1925, le fascisme n'existe qu'à l'état de menace qu'il serait toutefois absurde d'ignorer. Mais, « il importe de ne pas confondre la menace avec le fait ».
Les thèses de Loriot sur le fascisme se sont trouvées largement confirmées par la réalité européenne qui a mené à la Seconde Guerre mondiale. Il convient de le rappeler alors qu'aujourd'hui le mot « fascisme » est utilisé à tort et à travers sans la moindre préoccupation de le caractériser par rapport aux particularités du moment.
[1] Militant du Parti socialiste SFIO, Fernand Loriot (1870-1932) s'oppose dès 1915 à la participation de son parti aux gouvernements de guerre. En décembre 1920, il participe à la création du Parti communiste et en devient membre du premier comité directeur. A partir de 1922, il critique l'évolution du parti et rejoint l'opposition interne.
[2] Ces thèses ont été publiées dans une tribune de discussion des Cahiers du bolchevisme n°18 du 1er mai 1925 (Tribune de discussion, pages 1177-1186) : http://www.marxists.org/francais/loriot/works/1925/03/loriot_19250323.htm