Quand HITCHCOCK monte un film sur la libération d'AUSCHWITZ par les Soviétiques ... censuré pour cause de Guerre froide
Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
Un document exceptionnel, sur l'horreur des camps de la mort nazis. Et pourtant il faut attendre 2015 pour le voir exhumer, 70 ans après son montage par un certain Alfred Hitchcock. Un film victime de la censure « démocratique » de la Grande-Bretagne.
La commémoration des 70 ans de la libération du camp d'Auschwitz par les troupes soviétiques est l'occasion de remémorer l'horreur absolue, surtout de comprendre comment le racisme, le fascisme, peuvent s'imposer dans les pays dits avancés pour justifier l'extermination en masse.
En ce début d'année, la presse internationale salue le projet « Night will fall » (La nuit tombera), un film britannique inédit de 1945 sur la réalité de la libération de 11 camps de concentration. Un travail exhumé par l'Imperial war museum, chaperonné par le groupe médiatique américain HBO.
L'histoire remonte au printemps 1945 : le gouvernement britannique commissionne le magnat médiatique Sidney Bernstein, qui travaillait pour le Ministère de l'Information, pour réaliser un film intitulé « Enquête factuelle sur les Camps de concentration allemands ».
Bernstein sollicite alors l'aide de deux personnages pour monter les films réalisés par les équipes sur place après la découverte de Bergen-Belsen par les Britanniques, Buchenwald par les Américains ou Auschwitz par les Soviétiques, en tout 11 camps sont intégrés à cette « enquête filmique ».
Le premier était le futur Ministre travailliste – anti-communiste – Richard Crossman chargé du script du film. Le second est un certain Alfred Hitchcock, qui débarque d'Hollywood pour aider au montage des rushs accumulés.
Hitchcock aurait été horrifié par les images confiant aux commanditaires que cela « lui donnait la nausée » et ne désirait pas aller plus loin, en voir plus : les corps émaciés de survivants cadavériques voisinant les ossements, les piles de dents, de lunettes, de cheveux.
Il a néanmoins donné des conseils décisifs au réalisateur : la multiplication des plans fixes pour marquer les consciences mais surtout l'usage didactique de cartes et de plans englobant la campagne environnante, pour situer historiquement les camps et ne pas rester dans l'émotion.
Le projet était quasiment abouti au printemps 1945. Les images ont même été utilisées au Tribunal de Nuremberg et à Lüneburg pour identifier, juger et condamner des commandants de camp comme le terrifiant Josef Kramer, dit la « Bête de Belsen ».
5 bobines achevées, et 100 bobines compilant des séquences filmées ont pourtant croupi dans les archives britanniques 70 années durant, empêchant ce qui est considéré comme un chef d’œuvre de sortir et connaître le sort d'un Nuit et Brouillard par exemple. Pourquoi un tel gâchis ?
En s'appuyant sur un mémorandum du Foreign office signifiant notamment que « diffuser un film sur ces atrocités n'étaient pas une bonne idée », les historiens pointent le changement de contexte au cours de l'année 1945 et l'installation d'une logique de Guerre froide anti-communiste.
Pour les Britanniques, il devenait dangereux de montrer les Soviétiques comme force de libération, alliée des anglo-américains, et surtout d'accabler l'Allemagne qu'il s'agit de relever – y compris dans son appareil militaire – pour construire une Europe occidentale unie face au monde communiste.
Les bobines de Hithcock sont donc remisées dans les cartons. Elles ressortiront sous une forme très incomplète au Festival du film de Berlin en 1984. Avant de connaître une seconde vie en 2015. Il était temps