UKRAINE : l’extraordinaire hypocrisie du camp atlantique [Éditorial de RUPTURES de novembre 2022]
L'ÉDITORIAL de Pierre LÉVY
Mardi 23 mars 1999. Une horde aérienne otanienne se déchaîne sur Belgrade. La campagne de bombardements sur la Serbie durera soixante-dix-huit jours. Le pays sera finalement contraint d’admettre la sécession du Kosovo, prélude à la proclamation de l’indépendance de cette province historique serbe où a été établie une immense base militaire américaine. Slobodan Milosevic, que les Occidentaux avaient juré d’abattre, sera renversé l’année suivante. Le bilan humain de même que les destructions d’infrastructures et d’industries sont effroyables. Aujourd’hui, les Républiques ex-yougoslaves ont été intégrées à l’UE pour certaines, réduites à des confettis d’Etats impotents arrimés au camp atlantique pour les autres. Seule la Serbie tente de résister à des pressions redoublées.
Jeudi 20 mars 2003. Bagdad subit un déluge de fer et de feu. En une nuit, la capitale irakienne reçoit plus de bombes et de missiles que l’Ukraine lors des deux premiers mois de la guerre. Dans le viseur des Américains et de leurs alliés – hors France et Allemagne – figure Saddam Hussein. Le prétexte était la présence d’« armes de destruction massive » dont il est aujourd’hui établi qu’elles n’ont jamais existé. La « seconde guerre d’Irak » durera plus de huit ans, et ne sera pas loin de satisfaire au vœu du secrétaire d’Etat James Baker en 1991 : ramener ce pays « à l’âge de pierre ». Encore le martyre de celui-ci avait-il en réalité commencée une décennie plus tôt, avec un embargo aux conséquences terrifiantes. Interrogée sur les 500 000 enfants morts faute de soins ou de nourriture, l’Américaine Madeleine Albright affirma, quelques années plus tard que « oui, cela en valait le prix ».
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