STRASBOURG OU L’EUROSEUR ARROSÉ (L’éditorial de RUPTURES de décembre 2022]
Par Pierre LÉVY
Panique et consternation. La petite bulle bruxelloise est en émoi depuis qu’a été révélé ce que les grands médias nomment désormais le « Qatargate » : la mise en cause de collaborateurs parlementaires et d’eurodéputés – italiens, grecs, belges, issus essentiellement du groupe social-démocrate – soupçonnés d’avoir touché rémunérations et avantages de la part du Qatar en échange de la promotion des intérêts de l’émirat. Six personnes ont été interpellées par la police belge, quatre écrouées, dont une vice-présidente de l’europarlement.
Les condamnations ont fusé. La présidente de cette institution a, sans rire, dénoncé une « attaque contre la démocratie européenne ». Son homologue de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est alarmée que soit mise en jeu la « confiance des Européens dans nos institutions ». Soyons sérieux. Pour que l’europarlement soit déconsidéré, encore aurait-il fallu qu’il fût considéré – en réalité l’immense majorité des citoyens des vingt-sept pays s’en moquent comme de l’an 40. La seule chose qu’on puisse reprocher à l’Assemblée de Strasbourg est sa totale illégitimité, puisqu’il n’existe pas de peuple européen. Tout le reste n’a dès lors guère d’importance.
La crise de nerfs du ban et de l’arrière-ban européiste a cependant quelques mérites. A commencer par le retour de bâton comique contre une institution, à l’ego boursouflé qui ne cesse de donner des leçons de morale au monde entier en matière de transparence et d’Etat de droit. Au monde entier et même aux Etats membres : c’est précisément ce « parlement » autoproclamé qui avait lancé les hostilités contre la Hongrie, accusant son gouvernement de corruption. Le premier ministre Viktor Orban n’a pas boudé son plaisir devant cette euro-mouture de l’arroseur arrosé.
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