Les CHIBANIS et le mythe du retour au pays
Le 19 février 2024
Traduction d’un article paru dans New Lines Magazine
Chibani : en arabe, celui qui a les cheveux blanc. Un terme qui a fini par désigner, en France, l’ensemble des vieux travailleurs immigrés venus d’Afrique du Nord après la Seconde Guerre mondiale. Affectés le plus souvent aux tâches les plus précaires et dangereuses, ils ont aussi été les premiers à être renvoyés lorsque les usines ont commencé à fermer. Voici dix ans, une mission parlementaire estimait à 850 000 le nombre d’immigrés âgés de plus de 55 ans vivant en France sans pouvoir accéder aux droits que leur réservait pourtant leur âge. Depuis, leur statut s’est quelque peu amélioré, mais la situation des chibanis reste celle d’un exil sans cesse prolongé. La journaliste franco-tunisienne Maya Elboudrari est allée à la rencontre de certains d’entre elles et eux dans le XXe arrondissement de Paris, au Café social animé par l’association Ayyem Zamen. Dans cet article, paru initialement dans la revue New Lines Magazine, que nous traduisons, elle revient sur leur histoire.
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Des hommes âgés viennent au café pour jouer aux cartes et aux dominos, boire un café et, surtout, discuter. Parfois, ils parlent de leurs enfants ou de leurs petits-enfants ; parfois, de sport, de politique ou du temps exécrable qu’il fait à Paris ; souvent de chez eux, ou de ce qui a été chez eux : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie. « Nous pensions tous venir en France pour travailler, gagner un peu d’argent et rentrer chez nous », explique Hassan Chrifi, un fringant Marocain de 83 ans, moustachu, cheveux blancs coupés à ras. « Personne n’est venu pour rester. Et puis c’est ce qui s’est passé. Nous avons eu des enfants, et voilà. Maintenant, j’ai vécu plus souvent ici que là-bas. Je n’ai plus d’amis au Maroc. Je ne connais même plus ma famille. »
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