Rencontre avec les travailleurs de « Continental » à Clairoix (reportage de deux militants de «Réveil Communiste »)
Dimanche 15 mars 2009
Aujourd'hui nous sommes allés à la rencontre des salariés mobilisés de Continental-Clairoix
Environ une centaine de personnes (salariés du site, famille, habitants de Clairoix et ses environs, salariés d'entreprises sous-traitantes, etc) étaient réunies devant l'usine. Un feu fait de pneus et de palettes de bois dégageait une haute fumée noire visible depuis la route. Nous avons discuté avec plusieurs salariés. Voici ce qu'ils nous ont dit:
Ils sont là depuis mercredi, en arrêt de travail mais une négociation entre les syndicats et la direction a permis de les rémunérer depuis le premier jour de la mobilisation. La condition était de ne rien dégrader. Cet accord est valable jusqu'à mardi 17 mars à 6h.
La situation: Le plan social sera lancé le 31 mars. Un plan de licenciement est prévu en échelonnage, d'abord 650 salariés licenciés en octobre 2009 puis le reste des salariés en mars 2010. La direction s'est dans un premier temps délestée des intérimaires (200) à partir du mois de décembre 2008. Depuis le mois de décembre, la production tourne au ralenti. Pourtant, la direction leur a mis la pression pour travailler plus (plan de 40 h signé par la CFTC et la CGC ) pour soi-disant "sauver l'entreprise". On a bien vu à quoi ça a conduit...
Des familles entières sont touchées par le plan social. Beaucoup de couples (mari et femme travaillant sur le site), mais aussi, et on l'oublie souvent, les fournisseurs, les sous-traitants et emplois connexes qui sont touchés de plein fouet (un chaudronnier travaillant pour Continental Clairoix voit ainsi 75% de ses commandes partir en fumée...) Ne pas oublier également les commerces du coin qui sont touchés par la fermeture du site. En tout environ 5000 personnes vont être touchées directement ou indirectement par la fermeture.
Une usine qui ferme, c'est une ville qui meurt. (note personnelle d'Astrée)
Plusieurs ouvriers nous ont dit que la direction a posté des vigiles dans l'usine, ce qui contribue a exacerber la colère des salariés. Ils considèrent celà comme une provocation de la part de la nouvelle direction du site. La direction craint que la colère les conduisent à casser leur outil de travail mais chacun des salariés avec qui nous avons discuté ont insisté sur le fait qu'ils y tenaient. Mais le sentiment de trahison est tel...Ils attendent mardi (reprise du travail en théorie) pour aviser de la suite de la mobilisation, et de la tournure qu'elle pourrait prendre.
Certains ouvriers nous ont raconté la grosse grève de trois semaines qui a eu lieu en 1994, sur leur site. Les heurts avec les vigiles embauchés alors par la direction ont été très violents, ceux-ci leur ont cogné dessus avec une violence inouïe. Chacun parmi les plus anciens (ceux qui nous ont remémoré l'évènement ont 22 ans d'ancienneté) a cette grève en souvenir.
Demain lundi 16 mars, une manifestation des salariés des deux sites Continental (Clairoix dans l'Oise et Sarguemines en Moselle) a lieu à Reims, pendant la tenue du CCE. Une délégation interviendra avec les revendications portées par le Comité de lutte ainsi que les 50 questions (droit d'alerte) posées par les syndicats à la direction, à propos de l'avenir du site et de ses salariés.18 cars sont prévus pour emmener les salariés du site (ils sont plus de 1200 sur Clairoix).
Parmi les politiques qui ont apportés leur soutien, cela se limite aux personnalités locales (conseiller régional, général, maires, et bien entendu, Patrice Carvalho, ancien député de l'Oise, et Jacky Hénin, candidat PCF aux européennes pour le Front de Gauche). D'après les témoignages, aucun dirigeant national de parti politique ou de personnalité d'envergure nationale n'est encore venu sur le site (sans doute sont-ils trop occupés par la préparation des Européennes). Anecdote: deux salariés avec qui on a discuté ne connaissaient ni Mélanchon, ni Buffet. C'est dire la portée de l'action des dirigeants des partis de gauche...
Le PS, n'en parlons même pas. Zéro pointé.
Nous affirmons le refus du site de Continental.
Ensuite, nous exigeons zéro licenciements, pas un seul salarié à l'ANPE.
Garantie du paiement des salaires quelque soit les circonstances jusqu'à obtention des garanties exigées par le personnel.
Obtention de la continuation des contrats de travail et des salaires jusqu'en 2012 quoiqu'il arrive, pour tous les salariés du site.
Mise sur pied d'un plan de retraite anticipée avec maintien du salaire à 50 ans.
Engagement de l'Etat à mettre sous séquestre les biens de Continental en vue d'obtenir le respect de nos droits.
Engagement de l'Etat à donner les aides et les garanties nécéssaires pour le personnel en vue d'obtenir les garanties qu'il demande.
Le 19 mars, les salariés de Continental participeront très nombreux à la journée d'action nationale. Ils sont bien décidés à ne pas lâcher le morceau. Et ils ont bien raison.
PS: (note de Gilles) : Ce qui sert de prétexte à la fermeture du site de Clairoix est le fait qu'il y a un différentiel d'environ 13% sur le coût de fabrication des pneus produits, par rapport à d'autres usines du groupe Continental (Sarguemines par exemple). Il est à noter tout de même que ce différentiel apparaît après une baisse de la production de 25% exigée par le groupe, ce qui rend fatalement le pneu sorti de l'usine Clairoix plus cher que ceux des autres sites. --> pour le même coût total d'exploitation (voire légèrement augmenté compte tenu d'investissements récents et d'accords sur les 40 heures avec intéressements sur les bénéfices), si l'usine réduit sa production, l'unité sera forcément plus chère. Compte tenu de ces éléments, on peut penser qu'en réalité la productivité des salariés de Clairoix est excellente...sinon le différentiel de prix aurait été plus important ! J'en tire la conclusion que nous sommes face à une décision (fermeture du site) de pure stratégie industrielle qui n'est en rien motivée par un prétendu manque de productivité de cette usine.
Par ailleurs, le groupe a décidé sous prétexte de crise de débouché, de fermer deux sites (dont celui de Clairoix, l'autre est en Allemagne) alors que dans le même temps le groupe ouvre un nouveau site...en Roumanie! (dirigé par l'ancien directeur du site de Clairoix...)
En gros, le groupe Continental se fout de la gueule du monde...
source: http://reveilcommuniste.over-blog.fr/