A propos du boycott des élections européennes
Entretien avec André Bellon, Ancien Président de la commission
des affaires étrangères de l'Assemblée nationale 20 avril 2009
Comité Valmy : Vous animez ou participez à différents groupes républicains. Vous contribuez ainsi au travail de réflexion, d'élaboration et de propositions du Comité Valmy. Vous avez appelé, dès le 12 mars, à boycotter les prochaines élections européennes de juin. Pourquoi ?
André Bellon : Tout d'abord pour que les choses soient claires : ma prise de position est personnelle et n'engage que moi-même. Je me suis petit à petit convaincu que le « parlement » européen demandait, au travers de cette élection, une légitimité qu'il n'a pas. Il est, par exemple, extraordinaire, face à la crise économique générée par la dérégulation habilement baptisée mondialisation, de voir M.Barroso, président de commission européenne, demander à renforcer encore la mondialisation et, dans le même temps, développer les moyens de propagande en faveur du vote pour le parlement européen.
Comité Valmy : C'est-à-dire que vous considérez que n'est pas un Parlement.
André Bellon : En 1957, comme l'avait alors exigé la France, elle n'était qu'une assemblée composée de députés des parlements nationaux sans aucun pouvoir. C'est Giscard d'Estaing qui poussa, en 1979, à le présenter comme un Parlement et à le faire élire au suffrage universel direct. Ainsi, depuis lors, on nous peignit cet organisme comme notre émanation démocratique. On tient ainsi pour tranchées des questions loin d'être subalternes. Par exemple, existe-t-il un « peuple européen » différent des peuples nationaux, sous entendu au dessus d'eux ? Ce n'est pas un hasard si le « parlement » européen a voté une résolution demandant qu'on ne tienne pas compte des votes des français, des néerlandais et des irlandais contre le traité constitutionnel européen. Il introduit ainsi une supériorité qui n'est ni dans les textes, ni dans l'esprit. Il s'arroge une autorité sans aucune légitimité.
Comité Valmy : Cette position ne peut-elle pas être qualifiée de nationaliste ?
André Bellon : Une telle attaque est systématiquement utilisée à chaque fois qu'on veut faire voter en faveur du système de Bruxelles. Lors du débat référendaire de 2005, c'était un des épouvantails principaux agités contre les partisans du non au traité constitutionnel européen (TCE). J'avoue être las de répondre à ce type d'attaques de bas étage qui ont pour but de nous assimiler à l'extrême droite. Remarquons au passage que l'extrême droite de Jorge Haider en Autriche ou de Bruno Mégret en France étaient favorables au TCE On peut être hostile à ce qui se construit en Europe et ne pas être favorable au repli dans les frontières. L'alternative n'est pas « L'union européenne ou le repli frileux derrière les frontières nationales ». Les nations d'Europe peuvent s'associer de manière efficace sans participer à un bidule intégré liberticide. Les grandes réalisations que sont Airbus ou Ariane sont faites dans le cadre d'accords intra européens sans être des réalisations de l'Union. J'ajoute que si la démocratie existe (ou a existé) dans l'espace national, personne ne sait ce qu'est une démocratie supranationale. Pour l'instant, on démantèle les cadres nationaux de la démocratie sans construire de démocratie véritable au niveau européen. On peut d'ailleurs s'interroger sur les conditions de possibilité d'une démocratie supranationale, en particulier dans une Europe à 27.
Comité Valmy : Certains considèrent votre position comme non démocratique. On doit exercer son droit de vote.
André Bellon : Il y a des cas, assez rares évidemment, par exemple les plébiscites, où un républicain peut se sentir le droit de refuser de participer. Cela peut même être son devoir. Qu'on souvienne de l'opposition de Victor Hugo au plébiscite de Napoléon III. Plus près de nous, remarquons au passage qu'en 1972, lorsque François Mitterrand, premier secrétaire du parti socialiste, a appelé à l'abstention au référendum sur l'adhésion du Royaume uni, de l'Irlande et du Danemark aux communautés européennes, personne ne l'a qualifié d'antidémocratique. Une élection a ou n'a pas sa légitimité et les véritables atteintes à la démocratie sont celles qu'a exercées le « parlement » européen contre la souveraineté des peuples français, néerlandais et irlandais en demandant de ne pas tenir compte de leurs votes.
Comité Valmy : En ne votant pas, vous empêchez, disent certains, de rééquilibrer le parlement de Strasbourg et vous affaiblissez ceux qui étaient pour le non en 2005.
André Bellon : Le système est ainsi fait que la grande majorité des élus à Strasbourg est et restera favorable à l'union telle qu'elle est. Il y a d'ailleurs un accord entre les deux principaux groupes politiques pour cela. Les tentatives contraires n'auront donc qu'une valeur de témoignage et légitimeront un système dont on sait qu'il est intrinsèquement, depuis l'origine, non démocratique. Les fondateurs de la construction ont bâti les institutions de Bruxelles sur une méfiance vis à vis du débat politique et sur une valorisation du « gouvernement des experts ». Je ne saurais donc qu'engager ceux qui sont dans cette voie à boycotter aussi cette élection. Ils seront plus cohérents.
Entretien le 20 avril 2009
source : « comité valmy »