Loi sur la sécurité intérieure (Loppsi 2) : création d’une milice à la française ?
Le point de vue de Pierre-Alain Reynaud:
Les risques d’une police parallèle
La loi sur la sécurité intérieure (Loppsi 2) a été examinée mercredi par les députés.
Elle prévoit d'étendre à tous les citoyens volontaires la réserve civile créée en 2003 pour les retraités de la police nationale âgés de moins de 65 ans.
Le recrutement de ces réservistes, notamment parmi les étudiants, vise à compenser la baisse des effectifs actuels dans la police nationale. Cette police "complémentaire" devrait être armée et pourrait dresser des procès-verbaux après une formation sommaire. De même, il apparaît qu’elle aurait les moyens de procéder à des arrestations, ce qui semble au premier abord très alarmant.
A partir de ce projet de loi, on peut facilement constater que l’on risque d’entrer dans une phase inquiétante où les citoyens seront confrontés à des soi-disant policiers qui, d’une part n’auront peut-être pas les qualités requises pour faire face à des situations délicates, et d’autre part, pourront provoquer de grosses "bavures" aux conséquences graves.
Cette initiative du gouvernement est d’autant plus lamentable qu’elle s’inscrit dans une large politique d’économie consistant à fermer actuellement des brigades de gendarmeries et des compagnies républicaines de sécurité qui seront donc remplacées par des policiers non qualifiés.
Alors, que se passera-t-il un jour si cette "drôle de police" est mise en place ?
Les dangers sont grands, et personne ne pourra dire le contraire. Il faut considérer que les policiers et les gendarmes sont des hommes et des femmes qui ont reçu une très bonne formation leur permettant d’assurer le maintien de l’ordre et la sécurité pour l’ensemble des citoyens.
Mais si l’on envoie sur le terrain des personnes qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour évaluer et maitriser convenablement les situations difficiles, c’est le désordre qui s’installera dans le pays avec l’effondrement des valeurs même de notre société.
Et plus encore : ces "milices" nationales au service de l’Etat peuvent un jour se transformer en véritables unités de répression au service du pouvoir contre le peuple et les opposants politiques.
Nous avons connu cela dans l’Histoire. Souvenez-vous !
Nous avons tous entendu parler de l’effroyable pouvoir que fut le gouvernement de Vichy présidé par Pétain.
Ceux qui ont vécu cette époque connaissent parfaitement les affres de cette période où chaque français vivait dans la peur, parfois l’épouvante et la terreur.
Le début de l’année 1943 vit la création de la Milice française, souvent appelée simplement « La Milice », organisation politique et paramilitaire instaurée par Vichy pour lutter à priori et tout spécialement contre "le terrorisme", c’est-à-dire contre la Résistance.
Entre autres opérations de choc, les miliciens participèrent à la traque des juifs et de tous les déviants dénoncés par le régime. La Milice fut aussi une police politique et de maintien de l’ordre du régime établi par Vichy.
Comme les nazis, les miliciens usaient facilement de la délation, de la torture, des rafles et des exécutions sommaires ; et trop souvent leurs actions se terminaient en véritables massacres des populations.
On pourrait écrire plusieurs énormes ouvrages sur les activités miliciennes, sur les exactions et les crimes de leurs membres tant ils furent nombreux sur tout le territoire français. Il faudra arriver en août 1944 pour stopper définitivement les méfaits de la Milice avec l’intervention du Gouvernement provisoire de la République.
Souvenez-vous encore …
Plus près de nous, en Roumanie, pendant la dictature de Ceausescu, la Securitate (police secrète roumaine sous l’ère communiste), a semé la terreur en pratiquant la délation et la torture.
A sa création, son but était de défendre les conquêtes de la démocratie et garantir la sécurité de la République populaire de Roumanie contre les ennemis tant intérieurs qu'extérieurs.
La suite, nous la connaissons. La Securitate a toujours persécuté le peuple roumain jusqu’en décembre 1989, date de la révolution qui entraîna la chute du dictateur.
Aurons-nous aussi un jour en France, une « organisation milicienne de sécurité ? »
En tant que citoyens responsables, nous devons tous nous opposer à ce genre de réforme.
Certes, en raison de l’insécurité qui augmente sans cesse sur notre territoire, il manque des effectifs de police ou de gendarmerie. Il faut donc recruter rapidement des personnels qualifiés à plein temps pour pallier aux carences actuelles, au lieu de supprimer certaines unités existantes.
Mais, en aucun cas, il faut installer une "police parallèle" qui n’a rien à voir avec les forces de l’ordre officielles.
C’est une dérive civique certes, mais aussi et pourquoi pas, une arme secrète pour le pouvoir afin d’éliminer au fil du temps, de près ou de loin, les oppositions politiques ou sociales.
Je laisse maintenant le soin à tous les lecteurs et les lectrices du site de méditer sur le projet gouvernemental, et d’apporter leurs réflexions et leurs appréciations.
Pierre-Alain Reynaud