PORTUGAL - il y a 50 ans, le 25 avril 1974: Les souvenirs de Jean LÉVY
Nous republions cet article en ayant une pensée émue
pour notre ami Jean Lévy, disparu en octobre dernier
Quelle nuit! Quelle joie! Quel espoir!
Le 25 avril 1974 au matin
C'était la Révolution au Portugal !
Lisbonne, couverte d'oeillets rouges, se libérait de 48 années de dictature fasciste !
Le peuple portugais, les soldats et leurs capitaines en révolte fraternisaient dans les rues, les places et les boulevards de la capitale du Portugal
Tout cela avait commencé dans les casernes, tard dans la nuit : une chanson, Grandola, diffusée sur les ondes à minuit, donnait le signal.
Les chars convergeaient vers le centre et occupaient les lieux stratégiques.
La population, le petit peuple en tête, couvrait d'oeillets rouges les blindés libérateurs, et offrait aux fusilliers-marins ces fleurs, qui allaient orner leurs armes.
Cette rencontre et cette entente entre le peuple et ses soldats permirent la victoire de la liberté.
Mais il faut savoir qu'une résistance populaire, animée par le Parti Communiste Portugais, et son secrétaire -général, Alvaro Cunhal, réduit à la clandestinité depuis des décennies, avait ouvert le chemin de la Révolution des Oeillets et à sa victoire.
D'un côté, cette résistance populaire et ses combattants communistes, victimes d'une féroce répression, les tortures généralisées et les cachots de la police politique du régime, la PIDE, menaient le combat quotidien sur le plan social.
Ils se mobilisaient à l'occasion du "Premero de Maio" , journée de lutte des travailleurs, organisant des luttes dans les entreprises, les chantiers navals, contre l'exploitation patronale.
D'autre part, ces militants héroïques combattaient les guerres coloniales sanglantes et prolongées, menées en Angola, au Mozambique et en Guinée Bissau.
"Nao a guerra colonial !", pouvait -on voir inscrit sur les murs.
C'est à partir de cette réalité que se sont retrouvés officiers subalternes et prolétariat urbain et agricole dans le combat convergeant contre le pouvoir des dictateurs, d'abord Salazar et puis Caetano, appuyés par les pays dits "démocratiques", la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Jean LÉVY : « je m'en souviens »...
"J'ai eu l'immense bonheur, le 30 avril 1974, de faire partie de la délégation confédérale de la CGT, invitée pour participer au premier 1er MAI libre à Lisbonne.
En effet, depuis 1972, j'opérais la liaison avec les syndicats clandestins portugais et la CGT française, à partir de nombreux voyages à Lisbonne, en particulier avec le Syndicat des Banques, et ceux de la Métallurgie, depuis ma présence clandestine au procès de trois militants de ces organisations, condamnés à deux ans de forteresse,
après des jours et des jours de tortures par la PIDE.
Libérés, au bout de leur peine en 1973, la CGT française leur offrit un court sejour de repos en France pour leur permettre d'effacer les effets de la détention.
Depuis lors, j'ai gardé longtemps une amitié fraternelle avec ces camarades au cours de séjours renouvelés au Portugal.
Je me souviens du matin du 26 avril 1974, où à Lille en déplacement syndical, j'appris le "golpe" militaire à Lisbonne, ne sachant pas encore s'il s'agissait d'un "coup" de droite ou de gauche...jusqu'au moment où l'information fut donnée selon laquelle
c'était "Grandola" qui en avait signifié le départ.
Or, je connaissais la chanson clandestine, fort répandue dans les milieux de la résistance communiste, que je fréquentais au Portugal.
D'où ma joie sans borne...
Je me souviens donc de mon arrivée à Lisbonne, le 30 avril 1974, dans le même avion que des réfugiés politiques, dont Alvaro Cunhal, lui-même, évadé de prison après 10 ans de détention et un exil à Prague.
Je me souviens de cette "Internationale" entonnée par tous ceux qui allaient retrouver leur patrie et leur combat, alors que la Caravelle tournait au-dessus de la capitale portugaise, avant de d'atterrir...
Je me souviens de l'accueil à la sortie de l'aéroport, du blindé sur lequel les soldats auréolés d'oeillets rouges, faisaient monter Alvaro Cunhal, au milieu d'une foule enthousiaste...
Je me souviens du meeting du Premier Mai, de la tribune où j'étais, tout près d'Alvaro (et aussi du leader socialiste, Mario Suarès, qui avait passé les dernières années de la dictature en France), face à 100.000 personnes, chantant l'hymne portugais, "l'Internationale" et ..."Grandola"...
Jean LÉVY
.
LE PORTUGAL aujourd'hui ...
Nous célébrons le 50ème anniversaire du 25 avril. Révolution d'Avril, dans laquelle le PCP – comme dans la lutte contre le fascisme – a joué un rôle décisif, en mettant l'accent sur l'extraordinaire contribution d'Álvaro Cunhal. Révolution qui a instauré les libertés et la démocratie, le droit d'association et de manifestation, de former des partis politiques, le suffrage universel et direct, la liberté d'association, le droit de grève, les contrats collectifs et la négociation.
C’est la Révolution d’Avril qui a favorisé l’amélioration immédiate des conditions de vie des travailleurs et du peuple, l’augmentation des salaires réels et la mise en œuvre du salaire minimum national, des réformes et des pensions minimales, entre autres mesures.
C'est la Révolution d'Avril qui a créé le Service National de Santé, général et gratuit, la Sécurité Sociale, publique, universelle et solidaire et a consacré le droit à l'enseignement et à l'éducation, ainsi qu'à la culture.
C’est aussi la Révolution qui a liquidé le capitalisme monopoliste d’État, grand soutien du régime fasciste ; nationalisé et placé les secteurs stratégiques de l’économie nationale entre les mains du peuple ; a mené la réforme agraire, mettant la terre au service de ceux qui la travaillent.
Il a construit un pouvoir local démocratique et une autonomie régionale. Il a mis fin à la guerre coloniale, établi des relations diplomatiques avec tous, transformé le Portugal en un pays qui promouvait la paix, la solidarité, la coopération et l'amitié avec tous les peuples.
Et s’il est vrai que la contre-révolution et la politique de droite vieilles de plusieurs décennies ont détruit et amputé bon nombre de ces acquis – et nous savons bien que leur objectif est d’aller encore plus loin, comme en témoignent le programme et l’action de le gouvernement PSD/CDS et le projet réactionnaire qui unit PSD, CDS, Chega et IL – il n'en est pas moins vrai que de nombreuses réalisations d'avril restent valables, grâce à la lutte déterminée des travailleurs et du peuple et à l'action irremplaçable du PCP. .
Un combat qui demain sera présent dans les célébrations populaires dans tout le pays, avec un accent particulier sur le défilé sur l'Avenida da Liberdade, à Lisbonne, au cours duquel les travailleurs, le peuple et les jeunes exprimeront clairement leur ferme détermination à remettre le pays sur les rails. le trail d'Avril, à travers une affirmation puissante de ses valeurs.
Et, profitant et exploitant la force du mois d'avril, il est essentiel de faire du 1er mai convoqué par la CGTP-IN, dans tout le pays, une grande journée de lutte préparée par les entreprises et les lieux de travail.
Le PCP poursuit son action, correspondant aux engagements qu'il a pris. C'est dans ce sens qu'il a présenté un projet de résolution proposant le rejet du programme de stabilité présenté par le gouvernement dans l'AR, affirmant l'alternative et obligeant les autres forces politiques à définir leurs options.
De même, le PCP a déjà présenté plusieurs propositions à l'AR pour répondre aux problèmes les plus immédiats et reconnaître l'État de Palestine. Il a également présenté des projets visant à lutter sérieusement et systématiquement contre la corruption.
Hier encore, la proposition du PCP visant à créer une commission d'enquête sur la privatisation d'ANA a été discutée et aujourd'hui l'AR sera voté.
Il a également présenté un projet de loi visant à plus de justice fiscale, qui s'oppose à la proposition du gouvernement d'une réduction effective de l'IRS pour les revenus les plus faibles et intermédiaires, tout en soulignant que ce que veut la droite, c'est remplacer le débat sur l'urgence pour augmenter les salaires à travers la discussion sur les impôts, mais aussi assurer des milliards d'euros aux groupes économiques à travers la réduction de l'IRC et de la surtaxe.
Le PCP a également présenté une initiative visant à rendre digne et valoriser les anciens combattants des Forces armées, en leur accordant un complément de pension à vie et une pension minimale de dignité, une proposition juste qui prend encore plus de sens en ces 50 ans du 25 avril.
Le PCP poursuivra la lutte contre la politique de droite, notamment dans les batailles électorales. Premièrement, lors des élections au Parlement européen du 9 juin.
C'est dans le cadre de la préparation de ces élections qu'ont été présentés jeudi la semaine dernière les candidats de la Coalition PCP-PEV, qui continueront à parcourir le pays, affirmeront la CDU et valoriseront son travail, ses propositions et son projet distinctif.
Comme la vie l'a montré et l'a souligné lors du rassemblement PCP/GUE à Matosinhos samedi dernier, la CDU au Parlement européen est et sera la voix courageuse qui défendra l'augmentation des salaires ; pour la défense des services publics contre le conditionnement des soi-disant règles du traité budgétaire, cet authentique garrot des services publics et de nos vies.
Développant son initiative et son intervention pour le progrès social du pays, le PCP a tenu vendredi la semaine dernière la séance de présentation de son programme d'urgence pour le SNS, l'une des grandes réalisations de la Révolution d'Avril et un instrument indispensable pour garantir le droit à la santé. , comme le détermine la Constitution elle-même.
Ce sont ces batailles dans lesquelles le PCP est impliqué. Des combats qui ne dispensent pas, mais impliquent au contraire, une grande attention à la dynamisation de leur initiative et à son renforcement, en accordant une attention particulière à cette réalisation de grande importance pour les travailleurs et le peuple et d'une importance énorme pour le PCP, qui est le siège de son 22e Congrès, que le Comité central du 15 avril a programmé les 13, 14 et 15 décembre de cette année.
« Avante » Le 24 avril 2024
Le Portugal fête les cinquante ans
de la révolution des Œillets.
Dans quel climat politique ?
Rui Viana Pereira, CADTM Portugal: « Le faste sera investi pour dénaturer l’esprit révolutionnaire du 25 avril »
Les élections du 10 mars au Portugal ont-elles changé le paysage politique? Le pays échappe-t-il à la montée de l’extrême droite alors que sa constitution n'autorise pas la formation de partis fascistes? Que signifient les commémorations des cinquante ans de la révolution des œillets? Quels rôles jouent les partis de gauche? Rui Viana Pereira, membre du Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes, nous répond pour mieux cerner la situation politique au Portugal.
Le Portugal préparait depuis plusieurs semaines les commémorations des cinquante ans de la révolution des œillets, comment est-ce appréhendé au sein de la classe politique ?
Les déclarations des différents secteurs de droite montrent que la célébration du cinquantième anniversaire du 25 avril (1974) tend cette année à être volontairement confondue avec la célébration du 25 novembre (1975). Pour mieux comprendre la signification de cette inflexion je propose un retour en arrière. Lorsque nous, la génération qui était jeune en 1974, nous référons au 25 avril, nous faisons référence à deux choses différentes, bien qu’étroitement liées :
1) un coup d’État militaire raisonnablement pacifique qui a renversé la dictature, sans la tentation de donner le pouvoir aux militaires, ouvrant de nouvelles perspectives d’avenir et de liberté ;
2) un processus révolutionnaire en cours (PREC, du 25 avril 1974 à novembre 1975). Au cours de ce processus, qui a duré un an et demi, des nouvelles structures populaires ont été créées ( certains auteurs parlent de pouvoir populaire), parallèlement aux structures de l’État, et souvent en chevauchement avec elles, surtout en 1975. Lors de l’été 1975, il n’existait pas encore de structure nationale de coordination des mouvements révolutionnaires, mais des assemblées communes d’habitants, de travailleurs et de soldats avaient déjà commencé à se former dans différentes régions du pays ; les structures militarisées de l’État (armée, police, etc.), d’abord entrées dans un état d’inertie, rendant inopérant l’ensemble de l’appareil répressif et armé de l’État, se sont ensuite ostensiblement rangées du côté du peuple dans toutes ses luttes contre le capital. Il s’agit donc d’une période clairement prérévolutionnaire : ceux en haut ne peuvent plus faire la loi et ceux en bas n’ont pas encore pleinement constitué un appareil de pouvoir.
POURSUIVRE LA LECTURE :