Prochain congrès national du Mouvement Jeunes Communistes de France: relancer un débat nécessaire sur la construction européenne
Contribution d’Aurélien V. du Mouvement Jeunes Communistes de France 92
pour la préparation du Congrès du MJCF d’avril 2010
(extraits)
Cette contribution n’engage que moi. Elle réagit à ou prolonge plusieurs points évoqués dans les textes diffusés pour la préparation du congrès, suit au CN du 28 Novembre 2009.
De ce fait, elle se répartit sur quatre points, et non en un seul texte linéaire.
Europe
Le débat sur l’attitude à avoir vis-à-vis de la construction européenne semble apparemment réglé au PCF depuis plusieurs années. Le ralliement à un gouvernement pro-européen (celui de la gauche plurielle), la liste « Bouge l’Europe », puis l’adhésion au Parti de la Gauche Européenne avaient apparemment entériné le parti-pris de « l’Europe sociale ». La victoire du Non au Traité de Rome, et le rôle particulièrement actif de l’Humanité dans le décryptage du texte du Traité avaient pu sembler confirmer cette stratégie.
En réalité, l’opposition au principe même de la construction européenne existe toujours dans le Parti, et il n’y a pas de raison que ce débat n’existe pas au sein du MJCF.
Une partie des camarades rejette la construction européenne puisqu’elle est, depuis ses débuts, réalisée dans l’intérêt du capitalisme européen. C’est notamment la thèse que défendent trois camarades dans « L’idéologie européenne » (éditions Aden, 2008). La Communauté européenne a toujours été un projet antisocialiste, à la fois contre le bloc de l’Est, mais aussi pour contourner les scènes politiques nationales où l’opposition communiste était forte (en France et en Italie).
Cette tendance à la confirmation du capitalisme comme système indépassable ne s’étant jamais démentie depuis, jusqu’au Traité de Rome, a forgé la certitude d’une partie des camarades que toute tentative de changer le sens de la construction européenne ne pourrait être que vaine. Dans la « gauche antilibérale » comme dans le Front de Gauche, fut martelée l’idée que l’on pourrait « changer d’Europe » en construisant « l’Europe des peuples ».
Les mêmes peuples qui élisent des majorités de droite ou sociales-centristes, que ce soit en Italie, en Espagne, en Allemagne, ou en France !
Il n’y a pas de peuple « de droite » ou « de gauche ». Mais le fait est que l’affrontement de classe et idéologique ne suit pas le même cours ni la même vitesse d’un pays à l’autre. La décennie 2000-2009 a vu une domination générale de la droite et du centre. On aurait pu croire qu’il en serait autrement à partir du déclenchement de la crise en 2008. Mais les élections européennes de 2009, du moins là où la participation a été significative, ont vu la droite arriver en tête. Même si elle n’est que (très) relativement majoritaire en France, l’opposition s’est vue partagée entre un PS en demi-effondrement et la poussée d’une formation écologiste que rien ne situe réellement à gauche.
Le fait est donc que la droite domine en Europe, que la crise n’y a pas changé grand-chose, et que dans plusieurs pays, les forces qui remettent en cause le capitalisme en tant que tel sont très faibles (cas du Royaume-Uni, où les forces socialistes – communistes sont très marginales, ou de l’Allemagne, où le PDS a abandonné le socialisme et s’est intégré dans le parti social-démocrate Die Linke).
Dans ces conditions, être pour « l’Europe » (au sens du fédéralisme européen), tout en prétendant défendre les idées du communisme, c’est demander à passer d’une lutte difficile (la lutte pour le communisme en France) à une lutte TRES difficile, voire inenvisageable pour des décennies, qu’est celle du communisme en Europe.
Au-delà de ces constats, remarquons que le PCF comme le MJCF n’ont jamais clairement dénoncé les mythes fondateurs de la construction européenne.
Comme le mythe selon lequel, depuis la création de la CECA en 1951, la construction fédérale européenne aurait créé, ou même simplement renforcé, la paix entre états européens, en premier lieu la France et la République fédérale allemande. Or rien ne le prouve. La paix franco-allemande vient tout simplement de la ruine des deux nations en 1945, de leur impossibilité de prétendre à la domination de l’Europe face aux deux superpuissances d’après-guerre (USA et URSS), à la présence de forces américaines en Allemagne (et en France jusqu’en 1966) et à la nécessité de coopérer dans le cadre de l’alliance atlantique. Le libre-échange existant entre les états de la Communauté Européenne (qui ne supposait nullement la marche vers une structure fédérale) ne peut même pas être crédité d’avoir cimenté la paix, pas plus que la montée du commerce international à la fin du 19ème siècle n’avait empêché la Première Guerre Mondiale.
La construction européenne n’est pas davantage responsable de l’existence de la démocratie (entendue dans les limites du système capitaliste) sur le continent européen, les états membres de la CEE comme de l’UE étant déjà démocratiques avant leur intégration. Ni le bloc de l’Est, ni les dictatures grecque, espagnole ou portugaise ne sont tombés du fait de la Communauté Européenne.
Des exemples de coopérations interétatiques (dont Airbus est un exemple, et non une création du fédéralisme européen), d’échanges d’étudiants entre continents, d’échanges commerciaux dans d’autres zones de libre-échange que l’Union Européenne, nous rappellent que le fédéralisme n’est nullement une nécessité.
En raison de l’inégale progression de la lutte pour le communisme entre les différents pays du continent européen, et de la quasi-impossibilité que la victoire du communisme se fasse d’emblée au niveau européen, ne redevient-il pas plus pertinent de privilégier la défense de la souveraineté nationale ? Seul un pays indépendant peut créer le socialisme. Pas un pays que plusieurs traités internationaux obligent à reconnaître la propriété privée et l’économie de marché, fut-elle « sociale » comme des faits irrévocables.
Aussi, le congrès d’Avril 2010 pourrait être l’occasion de relancer un débat nécessaire sur la construction européenne, dans son principe même, et pas seulement sur son « orientation »…