GRANDS MAGASINS PARISIENS: Karl GHAZI, le syndicaliste pire cauchemar du patronat
Le leader de l’intersyndicale Clic P, en lutte contre le travail du dimanche, est devenu le pire cauchemar des grands magasins. Et mauvaise nouvelle pour eux, il a jusqu'à présent gagné tous ses combats.
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Il n’est pas connu du grand public mais il est craint de tous les patrons des grands magasins parisiens. Karl Ghazi, 48 ans est le leader du Clic P, cette intersyndicale qui s’oppose systématiquement à toute ouverture des magasins le dimanche et la nuit. Son tableau de chasse est bien rempli: d’Uniclo à Apple Store en passant par Monoprix et évidemment le Sephora des Champs Elysées. Il dit n’avoir "jamais perdu au tribunal".
Ce matin (8 septembre 2015), il a réuni ses troupes à la Bourse du Travail. Ils étaient près de 200 syndicalistes très remontés contre la loi Macron qui prévoit le passage de 5 à 12 ouvertures le dimanche pour les commerces et la mise en place de zones touristiques et commerciales. Tous les moyens seront bons pour s’opposer à cette loi. Judiciaire bien sûr: "nous attaquerons les 12 arrêtés qui délimitent les zones parisiennes", prévient cet habitué des prétoires, formé au syndicalisme à la Fnac. Mais le Clic P compte bien aussi mobiliser ses troupes au sol. D’abord le 15 septembre avec une "grosse délégation" qui se rendra à Bercy pour porter ses revendications directement à Emmanuel Macron. Le 15 octobre ensuite, le Clip P appellera à la grève dans tous les grands magasins parisiens.
Aujourd’hui, Karl Ghazi compte ses troupes et jauge le rapport de force. "Au niveau des négociations de branches nous sommes gagnants mais à l’échelle de chaque groupe de distribution ce sera plus difficile", juge-t-il lucide. Or la loi Macron a prévu que l’accord du travail le dimanche pouvait être obtenu avec 30% des voix au niveau de chaque magasin, de la branche commerce ou des groupes de distribution.
Tout pour la musique
Karl Ghazi ne comptent plus le nombre de batailles syndicales qu’il a menées. Ce passionné de musique lyrique qui a d’ailleurs failli tout lâcher pour se consacrer au chant d’opéra a "longtemps hésité entre le combat syndical et la musique". Mais la fibre syndicale est trop forte chez lui. Tellement forte qu’il en fait son activité à temps plein: il quitte la Fnac Bastille où il a commencé à 23 ans pour payer ses cours de chants, et devient permanent à la CGT. "Il ne s’oublie pas non plus, il a quitté la Fnac avec cinq années d’indemnités de salaire", lâche un patron qui le connait bien. Dans ses combats, Karl Ghazi se fait plus d’ennemis que d’amis. A commencer par les centrales syndicales qui n’apprécient pas beaucoup son autonomie. "Je leur fais de l’ombre, elles ne le supportent pas", admet celui qui est toujours en délicatesse avec la CGT. "Sur le fond, nous sommes souvent d’accord mais ils contestent mon leadership", soutient-il. FO, la CGC et la CFTC ont également quitté l’intersyndicale Clic P pour les mêmes raisons. A ce jour, son organisation rassemble 6.000 adhérents CGT plus des membres de l’Unsa, Solidaires et quelques électrons libres émanant notamment de la CFDT Ile de France, en bisbille aussi avec leur fédération. Ses procès il les "finance uniquement par l’argent des cotisations", précise-t-il, démentant toute rumeur de caisse noire alimentée par les victoires judiciaires. "Les dommages et intérêts nous permettent tout juste de payer les procédures, insiste-t-il, nous n’avons jamais eu besoin de faire liquider les astreintes sinon nous serions beaucoup plus riches". Aujourd’hui, il tente d’élargir son spectre en tentant de convaincre les petits commerçants indépendants de rejoindre son combat et gonfler ses troupes. La guerre ne fait que commencer.
SOURCE: Challenges