TRIBUNE LIBRE :La gauche ? Non, le communisme !
Dans la France d'aujourd'hui, la population active, c'est à 90 % des producteurs de plus-value, des exploités. Depuis plus d'une décennie, les 3/4 des exploités se retrouvent, ponctuellement, sous différentes formes, transcendant le clivage politique gauche-droite, pour résister à la pression du capital qui bouffe leurs vies : refus de la casse de la Sécu, de la casse des retraites, de la casse des services publics, de l'Europe des capitalistes, du CPE, etc. Cette France là, qu’elle vote à gauche, à droite ou s'abstienne, attend vainement des partis politiques un projet pour en finir avec l'organisation sociale et sociétale inhumaine du capitalisme mondialisé.
Sourds à l'attente populaire, ignorant superbement l'expérience du dernier quart de siècle, bénéficiant de relais médiatiques, un quarteron d'individus nous chante sur tous les tons : « la gauche, la gauche ». La gauche ? Puisqu'il faut rafraîchir des mémoires, quelques rappels. N'a-t-elle pas refusé d'intervenir contre les licenciements boursiers et les délocalisations ? N'a-t-elle pas inventé le forfait hospitalier et la CSG ? N'a-t-elle pas limité l'augmentation des salaires, baissé le taux du livret A alors que les profits s'envolaient ? N'a-t-elle pas enclenché, avec Chirac à Barcelone, la privatisation d'EDF, et privatisé plus que le gouvernement de droite qui l’a précédée ? Et pourquoi n'a-t-elle pas fait voter l’interdiction des expulsions, des coupures d'électricité et de gaz, donné le droit de vote aux immigrés ? Pourquoi a-t-elle laissé les « sans » dans l'espoir de mesures qu'elle n'a jamais prises ? Pourquoi n'a-t-elle pas dénoncé la directive Bolkestein lorsqu'elle a été présentée en février 2003 ? N'appelait-elle pas à voter oui au Traité constitutionnel européen ? Ne voit-elle pas en Iran le nucléaire militaire que les inspecteurs de l'AIEA disent impossible actuellement ? Après avoir envoyé des troupes françaises en Afghanistan, qu'attend-elle pour demander la comparution du criminel de guerre Bush devant un Tribunal pénal international ? Est-ce un hasard si quelques uns de ses éminents représentants sont aujourd'hui ministres ? Et, pour se fondre avec cette gauche là, certains proposent rien moins que l'abandon de la référence au communisme !
Que cela plaise ou non, parce qu'ils n'ignorent pas qu'une partie de la gauche, y compris antilibérale, a fait le choix de gérer loyalement le capitalisme, celles et ceux qui depuis des mois nous serinent « la gauche, la gauche », ont décidé de s'accommoder du capitalisme. Voilà pourquoi la décision de doter le PCF d'un projet communiste, prise au 31e congrès (2001), n'a toujours pas été appliquée par les directions successives du parti. Il aurait été plus honnête qu’elles démissionnent, plutôt que de faire partir tant de militants, d’affaiblir et désorienter le courant révolutionnaire.
Car les preuves que le capitalisme mondialisé est incapable de répondre aux besoins de l'humanité ne manquent pas. Par exemple, alors que la production alimentaire actuelle permet de nourrir 12 milliards d'humains, le capitalisme préfère détruire de la nourriture et s'avère incapable de nourrir les 6 milliards d'humains qui peuplent la planète, provoquant la mort des plus faibles. Même constat pour les médicaments. Pour le profit capitaliste, des humains meurent pendant que le capitalisme mondialisé gaspille les ressources de la planète, détruit et pollue sans souci des conséquences pour les générations à venir. Dans le pays développé qu'est la France, où chaque année voit les entreprises du CAC battre des records d'accumulation des richesses produites, des salariés producteurs de ces richesses n'ont pas accès au logement, un nombre sans cesse grandissant ne doivent leur survie qu'aux soupes populaires, des jeunes sont contraints à des révoltes dignes des jacqueries du Moyen-Age, la discrimination féminine (salariale, notamment) se poursuit à l'abri des discours et des dispositions égalitaires. Oui, le capitalisme a fait son temps ! Oui, le monde a besoin de communisme !
Le communisme ? En ces temps où la guerre idéologique, menée par le capitalisme pour poursuivre ses pillages, tend à mettre le signe égal entre communisme et fascisme, il est plus que jamais nécessaire de se livrer à une évaluation critique de ce qui s'est réellement passé, dans les pays dont la direction a été un temps assumée par des individus se réclamant du communisme. Sans rien gommer des manquements à l'idéal communiste qui ont pu être commis ici et là, ou du comportement de dirigeants dont la reconversion au capitalisme souligne l'usurpation qu'ils ont faite de l'adjectif communiste, il tout aussi nécessaire de replacer le capitalisme, français notamment, face aux millions de morts dont il est responsable. Par exemple, et sans compter les morts de la Révolution française, combien pour Napoléon, ce félon sanguinaire, qui relégalisa l'esclavage ? Combien pour le commerce des esclaves ? Combien pour les guerres coloniales ? Combien pour la Commune de Paris ? Combien pour les catastrophes humanitaires du « droit d’ingérence » ? Combien pour les munitions à l’uranium appauvri ? Combien pour l'exploitation du travail, quotidiennement, en « accident du travail » ? Combien de meurtres politiques pour les barbouzes et autres spadassins de la République ? Combien pour s’accaparer le pétrole nigérian, hier au Biafra, aujourd’hui au Darfour ? Et dans cette brève et incomplète énumération macabre, quelle part pour la droite, la gauche, et quelle part pour les communistes ?
Face à l'incapacité des appareils politiques à formuler une rupture crédible avec le capitalisme, puisant dans les profondeurs de l'histoire nationale qui, dès le 18e siècle, du curé Jean Meslier au révolutionnaire Gracchus Babeuf, a vu se dresser des hommes contre la misère et pour une société plus humaine, les communistes de France ont le devoir de se rassembler, sans préalable, pour proposer au peuple de France un processus de sortie du capitalisme. Voilà pourquoi je m'associe à celles et ceux qui demandent la tenue d'assises du communisme.
A la différence de tous les peuples qui, jusqu'ici, ont tenté de sortir du capitalisme, la France est un pays hautement développé, qui n'a plus à effectuer les accumulations de capitaux propres aux investissement lourds, nécessaires à une production suffisante pour satisfaire aux besoins. Au contraire, c’est à la casse des moyens de production et à leur évasion que les Français doivent faire face. C'est dire que si l'expérience des échecs de tous ceux qui nous ont précédé dans cette voie ne saurait être négligée sans risque, c'est avec une toute autre situation économique et démocratique que nous avons affaire.
Parce que quelle que soit l'entreprise, l'existence même de l'emploi dépend de la décision du capital industriel, commercial ou financier, de s'investir là où il trouve le taux de profit le plus élevé, aucun changement de l'organisation sociale n'est possible sans mettre un terme à la propriété privée du grand capital donneur d'ordres. L'expérience de ce qui s'est fait dans d'autres pays, et de ce que nous connaissons en France, montrent qu'il ne suffit pas de remplacer la propriété privée du capital par l'État patron pour changer fondamentalement l'orientation de la société. Ce grand capital privé, produit le l'exploitation du travail et du pillage colonial, doit être rendu au peuple qui doit pouvoir exercer son droit de propriétaire quant à l’utilisation. Il s'agit donc de permettre une appropriation sociale du grand capital, d'obtenir non pas des entreprises autogérées, mais des entreprises dont la gestion, confiée à ceux qui y travaillent, doit associer aussi bien les utilisateurs des produits finis de l'entreprise que ses fournisseurs de matière première et ses distributeurs, les riverains de l'entreprise, les transporteurs, les élus locaux, que les diverses associations concernées par l'existence de cette entreprise, notamment celles qui se préoccupent de l'environnement et de la santé. Rendre au peuple sa responsabilité sur la gestion des productions, c'est poser la satisfaction des besoins humains comme finalité de l'acte productif, c'est en finir avec une conception du travail opposant les différents intervenants dans la fabrication et la mise à disposition du produit fini, c'est donner à la démocratie une dimension encore inconnue et mettre en route un processus de dépérissement de l'État.
Initier l'appropriation sociale du grand capital, c'est en finir avec un comportement politique qui utilise le mouvement populaire comme une armée de fantassins pour batailles électorales, et rendre au mouvement populaire sa primauté. C'est donner vie à la formule : « Nous appelons communisme, le mouvement réel qui abolit l'état actuel. » La diversité politique de celles et ceux qui, ces dernières années, ont su se rassembler pour refuser la casse sociale, nous montre la voie.
ajusteur mécanicien,
adhérent du PCF depuis 1963.