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1 Mon blog est un blog militant indépendant, sans prétention, bien évidemment non-commercial et totalement amateur. Les images (photos , dessins, vidéos), les textes dont je ne suis pas l'auteur ainsi que les musiques et chants seront supprimés de mon blog sur simple demande par courriel.

2 Je publie textes et communiqués émanant d'auteurs et d'organisations diverses.Ces publications ne signifient pas que je partage toujours totalement les points de vue exprimés.

3 Je décline toute responsabilité quant au contenu des sites proposés en liens.

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El Diablo

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CE QUE NOS LECTEURS DOIVENT SAVOIR :

Le blog Commun Commune est un blog indépendant des partis politiques et des syndicats - Sa ligne éditoriale est humaniste, progressiste et franchement euro-critique.  Il a vocation à nourrir le débat, y compris sur des sujets qui peuvent faire polémique, dans un esprit ouvert, hors tout sectarisme et tabous. Dans ce cadre, défenseur de la liberté d'expression, il donne à connaître des points de vue divers - hors tous propos racistes et/ou antisémites - y compris ceux qu'il ne partage pas forcément.

Si, par mégarde, un manquement à ces règles venait à apparaitre nous vous remercions de bien vouloir nous le signaler afin que nous procédions aux rectifications nécessaires. 

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« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »

Bertolt Brecht

Les vérités qu’on aime le moins à apprendre sont celles que l’on a le plus d’intérêt à savoir.

Proverbe chinois

Ça devient difficile d'être de gauche, surtout si l'on est pas de droite

Guy Bedos 

« Si tu trembles d'indignation à chaque injustice, alors tu es un de mes camarades. »

Ernesto Che Guevara

« Pour se protéger la bourgeoise inventera un antifascisme contre un fascisme qui n'existe pas »

Pasolini, « Écrits Corsaires »

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DÉCLARATION de l’ACADÉMIE FRANÇAISE

sur l'ÉCRITURE

dite « INCLUSIVE »

adoptée à l’unanimité de ses membres dans la séance du jeudi 26 octobre 2017

Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.

Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures.

Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.

 

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Publié par El Diablo

Le matin des ÉGO-POLITICIENS

« Je pense, donc je suis » écrivait René Descartes, saint patron de ce blog. Mais ça, c’était avant. Maintenant, point n’est besoin de pensée pour prouver sa propre existence. Un site sur la toile y suffit amplement. La meilleure preuve a été fournie cette semaine par notre ineffable ministre de l’Economie et premier ministre « in waiting », Emmanuel Macron. Personnage qui à force de lire les dires du prophète Isaïe (1) ne doute plus semble-t-il de son rôle messianique, même s’il peine à en convaincre les autres malgré une campagne de saturation médiatique fort bien orchestrée. Notre nouvel Emmanuel ferait bien de se souvenir comment finissent en général les messies : conspués par la foule, cloués sur une croix et criant « père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». En tout cas, on voit que certains – Le Foll, par exemple – joueraient bien avec lui la scène de la flagellation.

La situation, il faut le dire, se prête aux métaphores bibliques. Tiens, prenons par exemple le déluge universel, programmé pour 2017. Nos politiques à gauche ont de toute évidence intégré dans leurs projets la manifestation de la colère divine, ou plutôt celle du peuple souverain, et s’attendent à ce que la pluie commence à tomber d’un moment à l’autre. Pourtant, pas d’arche à l’horizon : peut-être parce que dans ce monde politique peuplé de faux ex-militants étudiants et de vrais attachés parlementaires, on ne trouve personne capable de planter un vrai clou sur une vraie planche. Construire un véritable projet sur lequel on pourrait naviguer la colère montante est au-dessus de leurs forces et même au-dessus de leur compréhension. Et du coup, chacun prend prudemment des leçons de natation dans son coin, et fait provision de quelques planches pourries qui lui permettront éventuellement de se faire un radeau de fortune. On fait ce qu’on peut.

Cette situation où chacun est seul sur son petit radeau est favorable à l’apparition de ce que certains appellent l’égo-politique. Et bien entendu, on ne saurait parler d’égo-politique sans parler aussi d’égo-politicien. Dans la politique « à l’ancienne », l’homme s’effaçait toujours plus ou moins derrière le projet dont il était censé être le porteur. Difficile d’imaginer un De Gaulle sans gaullisme, un Mendès-France sans mendésisme. Mais dans l’égo-politique l’homme n’a pour compagnie que son image. Et s’effacer derrière son image est une impossibilité logique. Pour exister, le politicien classique avait besoin d’un cadre idéologique et institutionnel. Idéologique, parce que l’électeur attendait de son représentant qu’il se positionne dans les grands débats de son temps à partir d’une interprétation de la réalité cohérente et partagée. Institutionnel, parce que le politicien n’existe que dans un cadre qui lui confère une légitimité et les moyens d’agir, ce qui suppose un mode de sélection et de légitimation échelonné, par ses partisans, par l’ensemble des citoyens ensuite.

L’égo-politicien échappe à ces contraintes. S’autorisant de lui-même – comme l’analyste selon Lacan, et le parallèle n’est pas fruit du hasard – il n’a pas besoin d’organiser un parti, de convaincre des militants, de soumettre sa personne et son projet à leur jugement. Ce processus fastidieux est remplacé par l’onction médiatique appuyée par l’inévitable site internet où les internautes peuvent cliquer sur le bouton « like » pour indiquer qu’ils aiment… qu’ils aiment quoi, déjà ? Le projet du candidat ? Sa façon de parler ? Sa coiffure ? L’esthétique du site ? La gueule de l’égo-politicien bien en évidence ? Le discours creux du genre « je vous aime tous » ? Peu importe, ou fond. Parce que la chose plus importante, comme disait Homer Simpson, est d’être « populaire ». D’avoir beaucoup « d’amis », non pas au sens que donne à ce terme Montaigne, mais celui que lui donne Facebook.

Ce qui caractérise les égo-politiciens c’est l’absence totale de projet construit. Et cette absence ne tient pas seulement à l’incapacité d’en produire un, mais à une volonté assumée de s’en passer. C’est dans la logique de la chose. L’égo-politique est fondée non sur la conviction par une idée, mais sur la séduction par une personne. On vote l’égo-politicien parce qu’il est dynamique, parce qu’il a de beaux yeux, parce qu’il parle bien. Ce qu’il pense vraiment, ce au service de quoi il mettra son dynamisme s’il est élu, sa conception du pays et de la société qu’il veut construire sont des questions secondaires. Et comme disait le cardinal de Retz, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». Enoncer un projet, c’est faire des choix. Et faire des choix, c’est faire des mécontents. Mieux vaut donc se contenter, en lieu et place de programme, de quelques banalités consensuelles genre « il faut se bouger » ou « je suis pour le 99% contre le 1% » qui laisse à l’auditeur une probabilité fort raisonnable de se trouver du bon côté. Car c’est là un élément fondamental du discours de l’égo-politicien : l’illusion du consensus. L’égo-politicien n’est pas le défenseur de telle ou telle conception de l’Etat, de la société, du monde, pas plus qu’il ne prend parti pour tel ou tel intérêt. Il porte au contraire un message universel, une politique qui ne peut que bénéficier à tous – ou au moins au 99% de tous, ce qui n’est pas très loin. Il n’est pas là pour diviser, mais pour nous amener mettre tous d’accord. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’il tient le seul discours « raisonnable » ? Comment un tel message, résumé à « je suis pour tout ce qui est bon, contre tout ce qui est mauvais » pourrait ne pas être consensuel ? Et dans « consensuel », il y a « sensuel », tiens…

Cette obsession d’unité qui abolirait les conflits n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser, un genre nouveau. Au contraire, du général Boulanger au maréchal Pétain, elle surgit périodiquement dans notre histoire, généralement en période de grand désarroi. Et comme l’a remarqué Alain-Gérard Slama dans un livre que je recommande toujours (2), cette tendance traduit l’incapacité de la société à gérer les conflits inévitables dans une démocratie et à les trancher. Car la démocratie, par définition, est le régime anti-consensuel par excellence. Dès lors que les gens sont libres de penser comme ils l’entendent et d’exprimer leurs pensées, on ne peut qu’aboutir à l’affrontement d’opinions différentes. La démocratie est précisément un mode d’organisation de cette confrontation, et non sa négation. Seules les dictatures sont unanimes.

C’est quand la démocratie fonctionne mal, quand les intérêts deviennent tellement antagoniques que la régulation démocratique cesse de fonctionner qu’on se réfugie dans la vision imaginaire d’une « unité », d’un « consensus » qui fait le lit d’une pensée unique proto-fasciste. Car il faut insister sur ce point : les « divisions qui nous ont fait tant de mal », pour reprendre la formule de Pétain, ne sont pas artificielles. Elles existent dans toute société, et sont profondes. Il est illusoire d’imaginer qu’une société complexe comme la nôtre ne soit pas constituée d’individus et de groupes dont les intérêts sont différents et souvent contradictoires. Si tel n’était pas le cas, nous n’aurions pas besoin d’institutions politiques, puisque leur but est précisément de gérer ces contradictions, de trouver des compromis. Un compromis et non pas un consensus. Car les deux choses sont très différentes : un compromis est un accord par lequel chacune des parties accepte de faire sien un programme d’action qui ne reprend qu’en partie ses objectifs, tout en gardant entières ses convictions. Le programme du CNR est un bon exemple : en l’approuvant, les gaullistes ne sont pas devenus moins gaullistes, les communistes moins communistes. Les premiers ont continué à dire qu’il était trop radical, les seconds qu’il ne l’était pas assez. Leur seul point d’accord, c’était que le programme ainsi rédigé était le meilleur – de leur point de vue – compatible avec l’état du rapport des forces.

Le discours du « consensus » est de nature différente : il postule qu’un accord est possible non seulement sur l’action, mais sur les buts eux-mêmes. Il est fondé sur une vision idéaliste ou les hommes décident non en fonction de leurs intérêts, mais de la seule raison abstraite. On en conclut donc que si l’on acceptait seulement de laisser de côté les « idéologies » et de se mettre autour d’une table entre gens « raisonnables », on arriverait certainement à se mettre d’accord, puisqu’il n’existe qu’une vérité. Ce qui, à contrario, suppose que ceux qui n’acceptent pas de se mettre d’accord ne sont pas « raisonnables » ou, pire, sont esclaves d’une « idéologie ». C’est ce discours qui, sous des formes diverses, fonde l’égo-politique. Sa petite musique est toujours la même : les institutions – partis politiques, syndicats, élections, lois – sont des carcans. Libérons nous pour aller à un monde de rapports directs et sans intermédiaires entre les hommes, et notamment entre le gouvernant et le gouverné, entre le patron et l’ouvrier. Pour paraphraser Rousseau, les hommes sont par nature bons et ce sont les institutions qui les pervertissent, les séparent, les bloquent.

Cette petite musique est aujourd’hui partout, à la mesure de l’incapacité de nos gouvernants à gérer des conflits et à prendre des décisions : lorsque Ségolène Royal essaye de désamorcer les conflits de Sivens ou de Notre-Dame des Landes à coups de « rapports d’experts », elle fait exactement cela : au lieu de passer par un débat ou des positions claires s’affrontent et par un arbitrage par une instance démocratique, on imagine de fabriquer des projets censés être « consensuels » parce que « raisonnables ». Et tant pis si ce faisant on piétine les décisions des assemblées élues et représentatives des populations pour faire plaisir à des minorités agissantes. Il faut d’ailleurs reconnaître à Ségolène Royal d’avoir été pionnière dans le champ de l’égo-politique, avec une campagne en marge de son parti, sans véritable projet, avec un discours « consensuel » fait d’idées générales qui relèvent de l’évidence – genre « il faut être gentil avec les gens » - et ou l’emballage était finalement bien plus important que le produit. Et déjà avec un site internet : « désir d’avenir »…

C’est pourquoi il est si intéressant de comparer cette expérience première avec celle des deux égo-politiciens les plus en vue aujourd’hui : Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Certains de mes lecteurs seront peut-être étonnés de voir Mélenchon qualifié de « consensuel », et pourtant c’est le cas. Seulement, Mélenchon cherche le consensus non pas dans l’ensemble de la société, mais dans le marigot de la « gauche radicale ». Et dans ce milieu, le discours de Mélenchon est ultra-consensuel. Pourriez-vous citer une seule prise de position de Mélenchon qui puisse offenser un secteur de la « gauche radicale » ? Non, bien sûr. Sur les points qui divisent le marigot, Mélenchon refuse de prendre position : l’exemple le plus éclatant est celui de la question de la sortie de l’Euro, où le Petit Timonier a construit un discours compliqué qui propose la sortie tout en restant dedans et vice-versa.

Ségolène Royal hier, Macron et Mélenchon aujourd’hui jouent la même partition. D’abord, celle de l’homme seul, libre de toute contrainte institutionnelle. Bien sûr, Royal était soutenue par le PS comme Mélenchon l’est par le PG et Macron par l’establishment, mais chacun a pris bien soin d’indiquer que ce soutien n’appelait aucune contrepartie, et qu’il était hors de question de se laisser imposer par quelque collectif que ce soit quoi que ce soit en termes de projet, de programme, de choix de ses collaborateurs ou de stratégie de campagne. Et tous trois prennent soin de mettre en scène cette « liberté » au moyen d’une transgression permanente des principes de son propre camp : le discours de « l’ordre » pour Ségolène, la candidature sans débat pour Mélenchon, le libéralisme assumé de Macron sont des bons exemples.

Ensuite, l’accent sur le consensus. Moins clair chez Ségolène, qui pourtant à laisser planer en permanence l’idée d’un accord possible avec les centristes pour former un gouvernement « de gens de bonne volonté », il est évident chez les deux autres. Chez Mélenchon, c’est la logique du « 1% contre le 99% », ce qui ouvre quand même un champ assez large. Chez Macron, c’est un discours explicite et assumé dans ce sens (3). Bien évidemment, le maintien de l’illusion d’un consensus impossible dans les faits implique nécessairement un discours vague et plus centré sur les moyens et les procédures que sur les objectifs. Car c’est aussi cela l’égo-politique : une « démarche » plus qu’un résultat. C’est d’ailleurs une martingale bien connue de tout bon négociateur : lorsqu’on a du mal à parler du fond, il faut se concentre sur la procédure, sur laquelle les compromis sont toujours possibles. Qui pourrait d’ailleurs être contre le fait de « débattre largement », de « se bouger », de « lever les freins qui s’opposent à notre bonheur », pour reprendre une formule célèbre ? Promettre une constituante ou une « large concertation », commander un rapport, cela ne fait peur à personne.

Quant au projet – ou plutôt à son absence – le parallèle entre Royal, Mélenchon et Macron est, là encore, éclairant : en 2007, « désirs d’avenir » nous parlait d’un programme fabriqué « par les gens eux-mêmes » dans un élan de démocratie participative. Les sites de Mélenchon et Macron pour 2017 ne promettent pas autre chose (4). Mais curieusement, si tous trois font appel largement aux contributions populaires, tous trois omettent de préciser la procédure qui sera suivie lorsque les « participations » des différents contributeurs iront dans le sens opposé… en fait, c’est le flou procédural qui permet à l’égo-politicien de garder un contrôle absolu sur sa créature. Définir une procédure claire et transparente l’obligerait soit à assumer son pouvoir absolu, soit à accepter l’apparition d’un contre-pouvoir qui pourrait finalement le contraindre. Maintenir l’ambiguïté lui permet de cumuler les avantages : garder le contrôle total tout en donnant l’illusion au citoyen-internaute qu’il est devenu acteur alors qu’il n’est que spectateur.

Enfin, il faut souligner combien la logique de l’égo-politique est une logique destructrice. Incapables d’élaborer un véritable projet de construction – qui ne peut être le fruit que d’un travail collectif et institutionnalisé – les égo-politiciens ne peuvent attirer qu’en proposant la destruction de l’existant. Et c’est un véritable massacre à la tronçonneuse : chez Macron c’est la « chasse aux statuts » et aux « rigidités » comme le Code du travail, chez Mélenchon c’est la Constitution de 1958 et les institutions politiques qu’elle a créée qu’il faut abattre. Mais on voit très mal où l’un et l’autre veulent nous conduire. A quoi ressemblent les rapports sociaux dans la société « macronisée » ? A quoi ressemblerait la politique d’une VIème République « mélenchonisée » ? Difficile à savoir. L’un comme l’autre prêchent la nécessité de lever les obstacles et surmonter les blocages, mais ce qui se passera après n’est pas, semble-t-il, leur problème. Ce discours de destruction rejoint une autre caractéristique qui nous ramène aux années 1930 puis à Vichy, c’est celle de la haine de soi. Si l’on suit ce discours, nous français nous sommes des bons à rien. Jouisseurs, paresseux, racistes, inconséquents, avides, avares, incapables de prendre des risques… je vous laisse compléter la liste. Notre grande Révolution ? Une mascarade. Napoléon ? Un fou sanguinaire. La Libération ? Nous sommes quarante millions de pétainistes honteux. On proclame son amour de la France idéale, mais on crache sur tout ce qui fait la France réelle. Macron veut faire de nous des Allemands, Mélenchon des Vénézuéliens, Royal des Suédois. Personne parmi les égo-politiciens n’imagine que nous puissions continuer à être des français…

On retrouve donc dans l’égo-politique une logique qui ressemble étrangement à la « révolution nationale » pétainiste : une révolution portée par un homme qui rejetait ostensiblement le jeu des partis et des institutions politiques pour se réclamer d’un rapport direct avec le peuple ; un projet se définissait d’abord par la volonté d’abattre l’existant, cette IIIème République haïe mais particulièrement vague sur ce qu’on voulait mettre à sa place ; un discours construit autour d’un consensus de tous les français autour de valeurs vagues et générales (qui en 1940 peut être contre le travail, la famille, la patrie ?). Et pour couronner le tout l’appel fataliste à « s’adapter » à la « nouvelle Europe » naissante sous l’impulsion allemande. Car déjà, en 1940, la « construction européenne » faisait rêver certains…

Certains me diront qu’à ce compte De Gaulle était lui aussi un « égo-politicien ». Après tout, n’a-t-il pas lui aussi rejeté le « régime des partis » ? Ne s’est-il pas lui aussi placé dans une optique de dialogue direct avec le peuple ? La réponse se trouve du côté institutionnel : De Gaulle a été d’abord un créateur d’institutions. Pétain n’a jamais dicté la constitution qu’il s’était engagé à écrire, préférant garder un pouvoir absolu placé au-dessus de toute institution. De Gaulle, au contraire, a dicté une constitution qui s’imposait à tous, et d’abord à lui-même. Pétain retirait sa légitimité d’un rapport sentimental au peuple conçu en dehors de toute institution. De Gaulle tirait le sien du suffrage universel, et l’a quitté chaque fois que celui-ci lui fut défavorable. Et puis, on peut accuser « mon général »  de beaucoup de choses, mais certainement pas d’avoir une vision « consensuelle »…

Il n’est pas facile à prévoir quelle sera la trajectoire de nos égo-politiciens dans les années qui viennent, tant leur sort a été contrasté par le passé. En général, ces personnages peuvent jouir d’une grande popularité pendant quelque temps, polarisant en eux le désarroi des citoyens, mais révèlent assez rapidement leurs limites et sont renvoyés dans les poubelles de l’histoire, non sans avoir fait des dégâts quelquefois importants. Dans le contexte actuel, j’avoue avoir beaucoup de mal à croire à l’avenir de Macron (5). Pour des raisons qui tiennent à sa personnalité d’abord : Macron n’a pas de véritable épaisseur personnelle. Il rappelle un peu trop Laurent Fabius, mais le Fabius d’avant le sang contaminé. Une machine intellectuelle exceptionnelle, mais sans la moindre expérience du tragique inhérent à la politique et avec une capacité illimitée à se faire des ennemis. Il fait partie de ces profils de « premier de la classe », dilettantes brillants – au sens de « capable de briller en société » - comme Jacques Attali ou Alain Minc, et qui montent par la grâce d’un « protecteur » puissant ou d’un carnet d’adresses bien fourni. Mais l’expérience a montré que chaque fois que ces personnalités ont essayé de quitter le rôle de conseiller et de bouffon du roi pour devenir eux-mêmes des dirigeants, ça s’est mal passé, à l’image de Jacques Attali se faisant ignominieusement virer de la BERD après une gestion marquée par l’amateurisme. Macron tient sa position de la protection dont il bénéficie de la part du Président – trop content de trouver un contrepoids à Manuel Valls – et de l’enthousiasme des médias. Mais tout ça n’a qu’un temps… une fois l’attrait de la nouveauté passé et privé d’un protecteur puissant – ou en conflit avec lui - il sera tout seul et tout nu. Au PS l’aile gauche ne lui pardonnera pas son libéralisme, l’aile droite ne lui pardonnera pas son « cavalier seul ». Dès lors, il a toutes les chances de se faire exécuter dans le coin d’un bois au cours d’un de ces règlements de comptes dont le PS a le secret…

Macron a été fonctionnaire ma non troppo, banquier ma non troppo, riche ma non troppo. Il a la une gueule d’amour à séduire la bourgeoise et la fausse sincérité du vendeur d’aspirateurs à domicile. Tout ça devrait militer en sa faveur, me direz-vous. Si quelqu’un peut vendre le consensus large, c’est bien lui. Le problème est que les français sont assez cyniques dans leur approche de la politique, et aiment bien savoir à qui ils ont à faire. Ils ont tendance à se méfier des candidats trop « lisses », trop neutres, trop gentils pour être honnêtes selon la formule consacrée. Ceux qui ont parié sur l’idéalisme de l’électeur français se sont souvent plantés. En 1995, les citoyens avaient le choix entre l’honnête Jospin et l’escroc Chirac. Ils ont choisi l’escroc, et deux fois plutôt qu’une, parce qu’ils ont toujours préféré un escroc efficace au moraliste impuissant, et Jospin avait donné l’image de l’impuissance. Le bisounours Macron, avec son discours consensuel et gentillet sera toujours jugé à l’aune d’un bilan pour le moins mitigé. Car le grand ministre a conduit pas mal de « réformes » avec tambour et trompettes… mais fort peu de résultats. Il n’aura en fait été guère différent de ses prédécesseurs, et son passage ne sera qu’un chapitre parmi cent dans la lente érosion de l’appareil industriel et économique de notre pays. Car le chômage qui monte, c’est Macron. Alsthom vendu aux américains, c’est Macron. Alcatel démembré, c’est Macron. L’industrie nucléaire laissée à la dérive, c’est encore et toujours Macron, ce Macron trop occupé à défendre une réforme du notariat ou la libéralisation des autobus pour s’occuper des choses qui comptent vraiment.

Par ailleurs, Macron et Mélenchon ont un problème commun : l’égo-politique est fondée sur l’image personnelle, et qui dit image dit médias. Or, les médias dévorent l’actualité. Le pire des scandales est vite oublié, et il faut alimenter la machine avec du nouveau chaque jour. Macron peut faire la une des gazettes en déclarant qu’il n’est pas de gauche et Mélenchon en traitant les dirigeants de la Société Générale de « menteurs » ou Pujadas de « salaud ». Mais ces « transgressions » deviennent vite banales, et sont reléguées dans la section des chiens écrasés. Pour continuer à paraître dans les étranges lucarnes, il faut aller toujours plus loin. Et de transgression en transgression, on risque de devenir une caricature de soi-même. Il reste douze mois avant l’élection, et douze mois, c’est long. C’est dur de garder les projecteurs braqués sur soi pendant aussi longtemps, surtout lorsque la campagne repose non pas sur une dynamique institutionnelle, mais sur la personnalité d’un seul homme. Qu’est-ce que Macron aura à nous dire dans six mois qui soit encore nouveau ? Une fois qu’il aura montré dans "Paris Match" sa femme, ses enfants, sa bonne et son chien, une fois qu’il aura expliqué au Point et à l’Express qu’il aime les banquiers, les patrons, l’entreprise, et qu’il n’est pas vraiment de gauche, comment arrivera-t-il encore à nous surprendre ?

Ce problème est plus sérieux pour Macron que pour Mélenchon. L’égo-politicien Mélenchon a derrière lui une trajectoire institutionnelle qui laisse peu d’ambiguïtés sur le fait de savoir où il se situe : pour paraphraser Cortázar (6), il a été gauchiste, il a été mitterrandien, et ces choses-là ne s’arrangent pas du jour au lendemain. Mélenchon peut donc jouer sur les deux tableaux, celui de la politique « à l’ancienne » avec des meetings permettant à des militants blanchis sous le harnois de communier comme à la messe avant d’aller faire du porte-à-porte ou coller des affiches, et celui de l’égo-politique avec site internet et militantisme « light ». Macron, lui, est né sans péché originel, ce qui, il faut l’admettre, est bien commode lorsqu’on veut être le messie mais pose des problèmes sérieux lorsqu’on veut conduire une campagne électorale. Comment mobiliser des militants quand on n’a jamais été militant soi-même ? Comment tenir un discours politique crédible alors qu’on ne s’est jamais confronté au suffrage universel ?

Descartes

(1) « C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. Il mangera de la crème et du miel, jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien.…» (Isaïe 7 :14).

(2) « Le siècle de monsieur Pétain »,

(3) Voir par exemple son passage au 20h00 de France 2 le 10 avril 2016.

(4) Promettent, mais ne tiennent pas. Voici ce qui figure sur le site JLM2017 dans la page sur le projet : « Dans quelques jours, les contours de l’organisation concrète du travail collectif seront présentés sur ce site. Chaque point du programme fera l’objet d’une modération et ceux qui s'en chargeront seront présentés. D’ici un mois et demi, une première trame rédigée sera proposée avant une nouvelle vague de consultation. Le programme devrait pouvoir ainsi être finalisé avant l’automne ». On peut constater que les « quelques jours » se sont passés, et qu’aucune « organisation du travail collectif » n’a été exposée, que plus de deux mois se sont écoulés sans qu’on ait vu la moindre « trame ». L’élaboration collective et participative a encore quelques progrès à accomplir…

(5) Mais je dois à la vérité d’avouer que j’avais eu beaucoup de mal en 2011 à croire à l’avenir de François Hollande. Comme quoi…

(6) « Era clase media, era porteño, era colegio nacional, y esas cosas no se arreglan así nomás.» (« Il était classe moyenne, il était de Buenos Aires, il avait fréquenté le lycée section lettres, et ces choses-là ne s’arrangent pas facilement »). Julio Cortázar, « Rayuela ».

 

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