1979: Quand certains CASSEURS étaient des POLICIERS infiltrés... - Et AUJOURD'HUI ? [ par Jean Lévy ]
Curieusement, depuis quelques jours, les "Nuits Debout" dégénèrent, à Paris comme en province, en violences, inconnues au début du mouvement...Et leur relation dans les médias, photos choc à l'appui, pose question sur l'origine de ces "troubles à l'ordre public" bien sûr réprimés comme il se doit.
Cette situation fait penser à des provocations policières passées, en particulier aux incidents intervenus lors de la marche des sidérurgistes à Paris, le 23 mars 1979.
Ce jour-là, sur le parcours du défilé, les Grands Boulevards, les vitrines des magasins volèrent en éclats, face à une police qui regardait faire..C'est alors que des membres du service d'ordre de la CGT se saisirent d'un "casseur" à l'action...possesseur d'une carte de la Police nationale. D'où un scandale public.
Quelques années plus tard, "le Nouvel Observateur" publiait un article qui fait réfléchir aujourd'hui, dont nous publions des extraits.
Jean Lévy
le 15 avril 2016
SOURCE:
Propos recueillis par Georges Marion, in Le Nouvel Observateur, 23 janvier 1982
Pendant deux ans et demi, d'octobre 1977 à avril 1980, un inspecteur des Renseignements généraux de la préfecture de police de Paris a vécu parmi les autonomes, en totale immersion dans ce milieu qu'il était chargé d'espionner.
Durant toute cette période, ce fonctionnaire a renseigné fidèlement ses chefs, leur révélant les projets de manifestations et leurs parcours, les attaques-commandos et, bientôt, les braquages en préparation. La police a ainsi su ce qui se préparait à l'occasion de la fameuse manifestation du 23 mars 1979, à l'issue de laquelle des dizaines de vitrines volèrent en éclats et autant de magasins furent pillés. Pourtant, on laissa faire...
L'infiltration est une vieille recette policière. Après Mai 68, elle fut pratiquée à grande échelle. Avec des fortunes diverses. Dix ans plus tard, la pratique était quelque peu tombée en désuétude, lorsque émergea le phénomène autonome, qui lui redonna vie. C'est cette expérience qu'a racontée à Georges Marion un jeune inspecteur.
J'ai souvent le chic pour me mettre dans des situations délicates, voire inextricables. Mon entrée dans la police et ce qui s'est passé ensuite en sont une belle illustration. C'est au cours de mon service militaire, par hasard, que je suis tombé sur un avis de concours : on recrutait des inspecteurs pour la police nationale. Un copain m'a dit: "Pourquoi pas ?" Et on a réussi le concours. C'était aussi simple que cela ; ce qui, d'ailleurs, me faisait rigoler. Mais cela m'inquiétait aussi. Politiquement, j'étais de gauche, et je n'avais jamais envisagé d'être flic. Cela me culpabilisait même d'être sur le point de le devenir. Alors j'en ai parlé à des amis du même bord que moi, lesquels m'ont encouragé dans cette voie. Leur argument, qui était également le mien, était simple : pourquoi laisser la police à la droite ? Voilà, c'est comme cela que tout est parti. Avec, pour me permettre de passer le concours, quelques jours de perm supplémentaires.
Que pouvait-on vouloir de plus ?
J'étais encore à l'armée quand, en décembre 1975, j'ai reçu les résultats du concours. J'avais brillamment réussi, en très bonne position. Si j'avais eu encore des scrupules, c'est là qu'ils auraient dû se manifester.
Mais mon bon classement au concours a levé les dernières hésitations : je deviendrais policier. Quelques mois plus tard, mon service militaire terminé, je suis entré à l'école des inspecteurs à Cannes-Ecluse (Seine-et-Mame), pour y accomplir ma période de formation. Ma scolarité fut moins brillante que ma réussite au concours d'entrée. Si bien qu'à la sortie de l'école je n'étais pas dans les premiers, loin de là.
Conséquence immédiate : il ne restait plus beaucoup de possibilités lorsque est arrivé mon tour de choisir mon affectation. Les postes offerts aux nouveaux inspecteurs sont, en effet, attribués dans l'ordre de classement au concours de sortie. Non seulement il y a des services plus recherchés que d'autres mais aussi des endroits plus courus. Ainsi, Paris, où la vie est difficile, les loyers élevés et l'éloignement familial important, n'est pas très demandé. Quand j'ai dû choisir mon poste, il ne restait plus que quelques places à la Pi ou aux RG parisiens. Courir après les voyous, ce n'est pas spécialement mon trip. J'ai donc pris les RG. Nous étions au début de l'été 1977.
Lorsqu'un nouveau arrive aux RG, il fait le tour de toutes les sections qui composent ce service, pour se familiariser avec ses différentes activités. On passe ainsi dans les sections qui s'occupent des milieux politiques, on jette un coup d'oeil à la "sociale", qui suit les syndicats, on fait un petit tour aux "jeux", qui observent casinos et cercles. Ce n'est qu'après que l'on reçoit son affectation définitive.
LA SUITE DE L'ARTICLE EN LIEN CI-DESSOUS:
LIRE LE TRACT DE LA FÉDÉRATION CGT-POLICE
(en lien ci-dessous):
Stop aux violences policières !
Communiqué de presse UD CGT Paris
L’Union Départementale CGT de Paris dénonce les comportements de certains policiers dans l’exercice de leurs missions, lors des manifestations ou des rassemblements, à l’encontre des jeunes manifestant-e-s qui s’expriment pour exiger le retrait de la loi El Khomri.
Pas une journée d’action ne se déroule sans que des faits inadmissibles et condamnables de la part de policiers ne soient révélés : tabassage en règle, arrestations arbitraires, placements en garde à vue sur des mineurs, condamnation pour des faits mineurs ou imaginaires, fouilles au corps poussées, etc…
L’état d’urgence ne peut être le prétexte à ces agissements condamnables et répréhensibles. Toutes ces dérives sont le résultat d’un gouvernement qui, depuis plusieurs mois, encense l’état totalitaire et policier au nom de la sécurité.
Les policiers sont là pour assurer la sécurité des manifestations et non pas pour servir un gouvernement lui-même au service du patronat qui essaye de faire passer ses réformes contre les salariés, étudiants, lycéens, précaires, privés d’emploi et retraités par la force.
Ces violences policières sont de la même nature que celles dont sont victimes les militant-e-s syndicaux qui subissent de plein fouet la répression patronale et gouvernementale. Faut-il rappeler que leur combat est celui de la défense de l’emploi, des services publics ou d’autres causes justes et nécessaires pour l’humanité ?
Les libertés de manifester ainsi que les libertés syndicales sont des libertés fondamentales. Jamais nous ne laisserons ce gouvernement de moins en moins légitime et de plus en plus totalitaire nous les enlever au nom de sa logique néolibérale.
Hollande, Valls, Cazeneuve, El Khomri, Gattaz, cessez vos agissements avant qu’un drame ne surgisse !
Paris, le 13 avril 2016