BRÉSIL : Les liens étroits du conseiller économique de BOLSONARO avec les CHICAGO BOYS de PINOCHET au CHILI
Article de Rocío Montes , publié le 31 octobre 2018 dans le journal El País, mis en ligne sur le site du Parti communiste brésilien (PCB) - Traduction MR pour Solidarité Internationale PCF
Le conseiller économique de Bolosonaro vivait au Chili dans les années 1980, où il a assisté de près aux réformes mises en œuvre par la dictature militaire.
Le futur président du Brésil, Jair Bolsonaro, admirateur déclaré d’Augusto Pinochet, nommera Paulo Guedes comme super-ministre de l’économie. Guedes a annoncé mardi 30 octobre que son portefeuille sera une fusion des ministères des Finances, de la Planification et de l’industrie, et du commerce extérieur. C'est une ancienne connaissance des économistes chiliens qui ont impulsé le programme économique ultralibéral sous la dictature (1973-1990). Au cours de ses études supérieures à l'Université de Chicago, où l'homme fort était Milton Friedman, le père intellectuel des Chicago Boys, Guedes a noué des relations étroites avec plusieurs étudiants chiliens qui ont joué par la suite un rôle important dans le régime militaire.
L'un d'eux était Jorge Selume Zaror, ancien ministre du budget de Pinochet, qui dirigeait au début des années 1980 la faculté d'économie et de commerce de l'Université du Chili, la plus ancienne et la plus importante institution académique du pays. C'est à l’invitation de ce dernier que Guedes a atterri dans cette faculté pour y travailler comme chercheur universitaire, tout comme Robert Mundell et Edmund Phelps – comme le rapporte le magazine chilien Capital – qui ont reçu plus tard le prix Nobel d'économie (respectivement en 1999 et en 2006).
« Je sais qu’il était ici à l’Université du Chili. Mais je ne sais pas si cela a duré des années ou un semestre », a déclaré au journal chilien La Tercera Rolf Luders, de la première génération des Chicago Boys, ministre des Finances et de l’Économie, du Développement et de la Reconstruction, entre 1982 et 1983. En septembre 2017, l'économiste Ricardo Paredes a écrit sur Twitter: « L'économiste en chef de Bolsonaro, Paulo Guedes, est titulaire d'un doctorat de Chicago et a travaillé au département d'économie de l'Université du Chili au début des années 1980. Je me souviens de lui comme d'un crack, même si ce Bolsonaro est terrifiant ».
Le journaliste chilien Cristián Bofill, spécialiste de la politique brésilienne, déclare que « lorsque Guedes est rentré de Chicago, il s'est senti marginalisé au Brésil. Les économistes qui avaient l’hégémonie à cette époque au Brésil ne lui avaient attribué aucune des fonctions académiques ni aucun des emplois au sein du Gouvernement qu’il pensait mériter. Alors, dans les années 1980, il est parti pour le Chili, où il fut recruté par Selume. Il voulait voir de ses propres yeux les réformes que les Chicago boys avaient mise en œuvre dans le pays. »
Selon Bofill, tout indique que le projet de Guedes a toujours été de faire au Brésil ce qui avait été fait au Chili, suivant les préconisations de Sergio de Castro, conseiller de la Junte militaire à partir de 1973, ministre de l'Économie et des Finances et principal architecte de la mise en œuvre de ce modèle avec les autres économistes de Chicago: « Prendre un pays médiocre économiquement, y introduire des réformes néolibérales, lui donner une impulsion, pour qu’à la fin, ce qui est le plus victorieux, ses propres adversaires [les adversaires de la dictature militaires au Chili] reprennent exactement ce modèle dans un cadre plus démocratique, et de concertation avec le centre-gauche ».
Quand Guedes est arrivé à Santiago, « ce fut le meilleur moment pour les Chicago boys », rapporte la journaliste Carola Fontes, réalisatrice du film éponyme en 2015, dans lequel les principaux protagonistes des réformes de Pinochet reviennent sur les transformations qu'ils ont réalisées au Chili, et sur leur héritage actuel. Carola Fontes rappelle qu’au début de la dictature, Chicago boys n’occupaient que des postes secondaires de conseillers techniques. Cependant, en mars 1975, Friedman s’est rendu au Chili et « a convaincu Pinochet en lui disant cette fameuse phrase que les mesures devaient être prises de manière radicale, parce qu’il est préférable de couper la queue d’un chien une fois pour toutes plutôt qu’en plusieurs fois et en petits morceaux ».
Pinochet, comme la majorité des militaires chiliens de l’époque, était par principe étatiste et regardait avec méfiance ce groupe de technocrates. Mais, peu après cette conversation avec Friedman, il décida de laisser aux Chicago boys le contrôle de l’économie chilienne. « A partir de ce moment, ils ont commencé à être en première ligne, occupant plusieurs postes de décision dans des ministères et dans diverses institutions, telles que la Banque centrale. Il n’y avait aucune opposition à leurs mesures radicales, qui n’auraient pas pu être mises en œuvre dans une démocratie », affirme Carola Fontes.
Dans le film Chicago boys, Ricardo French-David, économiste chilien formé à Chicago mais critique à l’égard de la dictature et des politiques mises en œuvre par ses collègues de l’université, déclare que « les politiques économiques de 1973 à 1982 ont été un exemple pionnier de l'extrémisme néolibéral dans le monde ». Liberté des prix, ouverture économique et réduction des impôts, privatisation des entreprises publiques, réduction de l’intervention et de la taille de l'État, le tout accompagné d’un endoctrinement de la population.
En 1982, les Chicago boys furent relégués au second rang peu de temps après la dévaluation mondiale du dollar – en 1979, ils avaient décidé de passer à la fixation du taux de change –, mais d’autres économistes leur ont succédé sans changer la nature du modèle. Parmi eux figurait José Piñera, frère de l'actuel président du Chili, ministre de Pinochet. Ce dernier a mise en œuvre le système de retraite chilien basé sur la capitalisation au début des années 1980, précisément à l'époque où Guedes vivait et travaillait au Chili.
Bolsonaro voudrait remplacer l’actuel système de retraite distributif au Brésil par un système basé sur la capitalisation individuelle, suivant en cela l’exemple du Chili de Pinochet. Onyx Lorenzoni, son possible premier ministre (ministro da Casa Civil), ne cache pas non plus son admiration pour le modèle mise en œuvre au Chili par les Chicago boys: « Le Chili est pour nous un exemple de pays qui a mis en place des éléments macroéconomiques très solides, qui lui ont permis d’être un pays complètement différent de toute l’Amérique latine ».
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