Une BOUSSOLE qui indique toujours l’Est… [L’éditorial de Pierre LÉVY dans RUPTURES du 23 novembre 2021]
/image%2F1449569%2F20211129%2Fob_e5f95f_ruptures-edito.jpg)
Par Pierre LÉVY
Une avalanche de condamnations indignées. Visé : l’« effroyable dictateur » Alexandre Loukachenko, selon l’expression d’une élue LFI qui reflète bien l’état d’esprit des classes dirigeantes vis-à-vis du président biélorusse. Celui-ci est accusé d’avoir attiré à Minsk de nombreux ressortissants du Moyen-Orient et d’Afrique, puis d’inciter ces derniers à entrer dans l’Union européenne à partir des frontières du pays avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. Ces trois Etats ayant lancé la construction de lignes de barbelés et mis en place d’importantes forces armées le long de ces dernières, la situation des quelques milliers d’hommes et de femmes ainsi coincés dans un no man’s land glacial était, mi-novembre, peu enviable, au point que certains y ont perdu la vie.
On pourrait rappeler au chœur des indignés que la Biélorussie n’a pas créé les migrants : l’afflux de millions d’entre eux vers le Vieux continent, spectaculaire en 2015-2016, est fondamentalement causé par les guerres et la misère. Est-ce le président Loukachenko qui a décidé d’envahir l’Afghanistan, d’attaquer l’Irak, de bombarder la Libye, de déstabiliser la Syrie ? Est-ce la Biélorussie qui porte la responsabilité de la pauvreté qui continue de martyriser des régions africaines entières ?
Est-ce le président Loukachenko qui a décidé d’envahir l’Afghanistan, d’attaquer l’Irak, de bombarder la Libye, de déstabiliser la Syrie ?
Ensuite, il y a quand même quelque toupet à s’émouvoir qu’un pays réagisse après quatre vagues de sanctions adoptées en quelques mois à son encontre (et une cinquième le 15 novembre) ? Ce sont bien les dirigeants européens qui en ont pris l’initiative, au motif d’élections jugées truquées et de la répression qui a suivi. Bruxelles s’attendait-il à ce que Minsk, qui certes se défend d’« instrumentaliser les migrants », s’incline, s’excuse, dise merci aux sanctions ? Au demeurant, l’Occident compte parmi ses amis nombre de pays qui ne se distinguent pas par l’équité des processus électoraux, sans que nul ne songe à déclencher de tels trains de punitions.
POURSUIVRE LA LECTURE :