1965 : LE MASSACRE OUBLIÉ DES COMMUNISTES INDONÉSIENS
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Le 8 octobre 1965 débute ce qu'un rapport de la CIA décrit comme « l'un des pires massacres de masse du XXème siècle avec les purges soviétiques et les massacres nazis durant la Seconde Guerre Mondiale ».
Au total, ce sont au moins 500.000 Indonésiens qui ont trouvé la mort entre 1965 et 1966, lors de ce qui constitue la répression anticommuniste la plus brutale que l'Asie du Sud-Est ait connue. Ces massacres s'inscrivent dans la continuation du coup d'Etat contre le président Soekarno (1958-1965), surnommé le « père de l'indépendance » indonésienne. Après avoir participé à la libération de l'Indonésie du joug hollandais et japonais, Soekarno a été confronté aux ambitions impériales du gouvernement américain. Durant sa présidence, il a tenté de mettre en œuvre une politique souveraine de répartition équitable des richesses et de réforme agraire – non sans autoritarisme – ; à cette fin, il a défendu une alliance entre les trois principales forces politiques indonésiennes : le Parti Communiste Indonésien (fort de trois millions de membres et très influent auprès des paysans les plus pauvres), l'armée indonésienne et les mouvements religieux, musulmans pour la plupart. L'hostilité croissante des classes dominantes indonésiennes à sa politique, ainsi que l'agressivité du pouvoir nord-américain ont poussé Soekarno à se rapprocher des forces communistes. Sur le plan national, il a fortifié son alliance avec le Parti Communiste Indonésien ; sur le plan international, il plaidait pour la constitution d'un axe anti-impérialiste Est-asiatique qui regrouperait l'Indonésie, la Chine (maoïste), la Corée du Nord (dirigée par Kim il-Sung), le Viet-Nâm (gouverné par Hô Chi Minh) et le Cambodge (où régnait le prince Sihanouk, non-aligné). Des contacts se nouent peu à peu entre la hiérarchie militaire indonésienne, les représentants des propriétaires terriens et des intérêts nord-américains, unis par leur hostilité commune à l'encontre du président Soekarno et des communistes. Début octobre 1965, un coup d'Etat est mené dans des circonstances obscures par le général Soeharto, chef des forces armées indonésiennes. Sous le prétexte de protéger le président Soekarno (à qui il retire de facto tout pouvoir et qu'il finit par pousser à la démission), il pousse l'armée à purger l'Indonésie des communistes et de leurs alliés. C'est le 8 octobre que commencent les premiers massacres ; aux tueries légales (les communistes sont systématiquement arrêtés, déportés et parfois exécutés) s'ajoutent des centaines de massacres commis par l'armée dans les villages indonésiens. Au total, ce sont 500,000 Indonésiens qui perdent la vie entre 1965 et 1966 selon les estimations officielles – le chiffre d'un ou deux millions de victimes est avancé par les opposants.
Ce massacre a été accueilli avec indifférence par l'opinion publique mondiale, en-dehors des pays qui constituaient les alliés géopolitiques de Soekarno. La presse occidentale s'est contentée de le mentionner brièvement, parfois pour s'en réjouir, dans un contexte d'anticommunisme exacerbé. Il est aujourd'hui avéré que le gouvernement américain a apporté une aide logistique, financière et stratégique considérable au général Soeharto afin de lui permettre de mener à bien son coup d'Etat et la féroce répression à laquelle il s'est livré – la CIA allant jusqu'à transmettre à l'armée indonésienne des fiches contenant les noms de milliers de « communistes » supposés. Soeharto a également pu compter sur l'appui des Etats-Unis pour mettre en place le nouveau régime politique indonésien (« l'Ordre Nouveau) basé sur la suprématie d'un parti unique, le culte de la personnalité et la répression systématique des opposants. Ce n'est qu'en 1999 que Soeharto quitte le pouvoir sur l'injonction des Etats-Unis, encombrés par ce vieil allié, après trente-cinq ans de bons et loyaux services.
Par Vincent Ortiz et Iris Dmn.
Les MASSACRES ANTICOMMUNISTES
ont façonné notre monde inégalitaire
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Par Vincent Bevins
Le massacre des militants de gauche, en particulier communistes, en Indonésie en 1965 ne s’est pas contenté de n’être qu’une atrocité parmi d’autres perpétrée avec le soutien des États-Unis. Il constitue le modèle des expériences d’anéantissement – une bonne fois pour toutes – des espoirs et des rêves de la gauche dans les pays en développement. À tel point que les fascistes chiliens, dans les mois qui précédèrent le coup d’État militaire du 11 septembre 1973 contre la gauche, écrivaient sur les murs de Santiago « Jakarta arrive ».
Dans cet entretien mené par Benjamin Fogel en 2020 et publié dans la revue étatsunienne Jacobin, Vincent Bevins – auteur de l’ouvrage The Jakarta Method – revient sur cet évènement majeur de la seconde moitié du 20e siècle et montre la façon dont l’anticommunisme a fait de notre monde la planète extrêmement inégalitaire dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Avec les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19, l’ordre mondial de l’après-guerre froide a été ébranlé dans ses fondements mêmes. Les inégalités criantes, non seulement au sein des nations, mais aussi entre les nations, ont été mises à nu.
Pour une génération façonnée par la défaite du communisme et du nationalisme du tiers-monde, l’une des difficultés a toujours été de croire qu’un autre monde était vraiment possible. Ceux et celles qui nous ont précédé n’avaient pas ce problème. Ils et elles croyaient qu’une société plus juste était non seulement possible, mais aussi à leur portée.
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Les massacres anticommunistes ont façonné notre monde inégalitaire
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