Que reste-t-il de la RÉVOLUTION des Œillets ?
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Texte inédit pour Ballast
« Dans tous les visages, l’égalité ». La chanson « Grandola Vila Morena », composée par José Afonso, a été le deuxième signal du lancement d’un coup d’État militaire qui marquera le début de la Révolution des Œillets, le 25 avril 1974. Celle-ci a renversé la dictature salazariste qui dirigeait le Portugal depuis 1933. Les événements révolutionnaires qui ont suivi restent aujourd’hui mal compris. Pourtant, à l’époque, ils ont suscité un vif intérêt et influencé les stratégies politiques des forces de gauche dans toute l’Europe et aux États-Unis. Loin du mythe d’une révolution sociale qui n’aurait été qu’une simple phase de « transition » vers la démocratie représentative, Charles Reeve montre ici combien cette dernière a été l’arme de la classe dirigeante pour préserver son pouvoir et mettre un coup d’arrêt à l’insurrection populaire.
Et si on commençait par le présent avant de s’attarder sur le passé ?
La société portugaise a célébré cette année les cinquante ans de la Révolution des Œillets. Des événements multiples ont été organisés par les institutions officielles, des manifestations ont aussi eu lieu hors de ce cadre. Partout en Europe, la date a été évoquée dans les milieux de la gauche anticapitaliste et jusqu’aux milieux libertaires. Au Portugal, les « célébrations » se sont déroulées dans une atmosphère lourde. Aux dernières élections législatives de mars 2024, le nouveau parti de la droite extrême, Chega (Ça suffit), qui revendique des idées racistes et xénophobes, la nostalgie de l’Empire colonial de naguère et de la « civilisation chrétienne », de tout ce qui compte comme valeurs réactionnaires, a fait une forte percée avec l’élection de 50 députés sur 230, devenant la troisième force politique du pays. Chega est désormais majoritaire dans des lieux que les touristes fréquentent mais connaissent mal, comme la région d’Algarve, ainsi que dans des parties du pays, où le parti communiste passait pour le représentant éternel du peuple. Bien entendu, celles et ceux qui ont élu les députés de Chega, des nostalgiques de l’ancien régime salazariste et de l’empire colonial, des partisans du délire du « grand remplacement », des ex-membres de groupes terroristes ayant organisé des assassinats de militants révolutionnaires après le 25-Avril [1974, jour du coup d’État militaire qui renverse la dictature de Salazar, ndlr], ainsi que des « héros » des guerres coloniales — n’ont pas été contaminés, soudainement, par un quelconque virus populiste cher aux commentateurs médiatiques.
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