La nouvelle CINQUIÈME RÉPUBLIQUE en clair-obscur
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La période actuelle semble devoir marquer une profonde mutation de la Ve République, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Si l’absence de majorité aux ordres nous rappelle que nous sommes dans un vrai régime parlementaire, l’épisode actuel démontre aussi de vraies failles dans notre édifice constitutionnel.
Par Benjamin Morel, professeur de droit public.
La Ve République est un vrai régime parlementaire. Nous l’avons oublié, et pourtant, le texte constitutionnel ne saurait être plus clair sur ce point. Le gouvernement est responsable devant le Parlement. Le Président dispose certes de pouvoirs importants, mais ce sont des pouvoirs d’exception. Dire que le Président est fort parce qu’il peut déclencher l’article 16 (pleins pouvoirs), l’article 12 (dissoudre l’Assemblée nationale) ou utiliser le feu nucléaire relève du sophisme. Ces pouvoirs sont rarement utilisés, et c’est heureux. Le Président est le chef des armées et il nomme le Premier ministre, c’est vrai. Le Roi des Belges aussi. Dans la Constitution de la Ve République, c’est le Premier ministre qui dispose du pouvoir réglementaire et des forces armées ; sous l’empire des lois de 1875, il s’agissait du Président. En droit donc, pour les affaires courantes du pays, le Président de la Ve République a moins de prise que son homologue de la IIIe.
Emmanuel Macron, au regard du droit, dispose d’un rôle moins important que Paul Deschanel. Pour autant, en fait, le Président de la République dispose d’un pouvoir bien supérieur à son homologue américain, hors période de cohabitation. Ce dernier doit composer avec les contre-pouvoirs parlementaires et judiciaires dans un régime fédéral. La notion de régime semi-présidentiel est donc absurde. Les présidents portugais, autrichiens ou finlandais sont également élus au suffrage universel direct, mais ils ne disposent pas de plus de pouvoir que leurs homologues italiens ou allemands. Le Président est tout puissant en fait, peu puissant en droit.