ERRANCE MÉDICALE – le Billet du Docteur Christophe Prudhomme
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Une étude récente réalisée par une association de patients montre qu’un Français sur trois est confronté au moins une fois à l’errance médicale, c’est-à-dire à l’absence de diagnostic et de traitement adapté. Ces résultats ne sont pas étonnants quand on sait que plus de 10 % de la population n’a pas de médecin traitant dont plus de 500 000 personnes souffrant d’affections de longue durée qui selon leur définition nécessitent un suivi régulier.
Mais le problème le plus important est l’accès aux spécialistes. 92 % des interrogés expliquent cette errance par la difficulté à pouvoir consulter un spécialiste du fait de leur manque de disponibilité, avec des délais de rendez-vous très longs et en plus la nécessité de payer des dépassements d’honoraires parfois très élevés. Ainsi, 88 % des femmes n'ont pas accès à la gynécologie en Ile-de-France et les difficultés sont d’un niveau similaire pour la pédiatrie ou encore la dermatologie. Mais pour les plus défavorisés, tant au niveau géographique qu’économique, comme en Seine-Saint-Denis ou en Lozère, l’accès aux spécialistes est encore plus difficile. A cela s’ajoutent les difficultés liées au tout informatique, avec l’impossibilité d’un contact téléphonique avec un médecin pour lui expliquer son cas et la quasi-obligation de passer par des plates-formes anonymes pour obtenir un rendez-vous.
Les conséquences pour la santé des populations concernées sont déjà visibles et sont catastrophiques. En effet, dans les zones classées comme « déserts médicaux », l’espérance de vie de la population et plus particulièrement l’espérance de vie en bonne santé est inférieure à la moyenne nationale. Les solutions préconisées par le gouvernement qui vont de la télémédecine aux centres de soins non programmés ou encore au remplacement des médecins par du personnel infirmier ne sont pas acceptables. Elles nous conduisent vers une médecine devenant un service commercial ubérisé. La bonne médecine ne peut se concevoir que dans le cadre d’une relation individuelle dans un climat de confiance entre le médecin, en lien avec une équipe de professionnels de santé, et le patient.
Alors que plus de 60 % des dépenses de santé concernent les plus de 50 ans atteints de maladies chroniques, cette situation d’errance médicale massive nécessite des mesures de correction urgentes. J’ai déjà évoqué les solutions dans plusieurs de mes chroniques mais je les répéterai tant que nous n’aurons pas obtenu d’avancées. Cela ne peut passer que par une autre organisation du système avec la régulation de l’installation des médecins et des autres professionnels de santé, dans des structures d’exercice collectif où ils seront salariés. Il sera ainsi possible d’implanter les structures là où sont les besoins, de supprimer les dépassements d’honoraires et les différences inacceptables de rémunérations entre les médecins selon leurs spécialités qui n’ont aucune justification. Ainsi chaque citoyen pourra avoir accès à un système de santé égalitaire et solidaire, ce qui est normalement un droit inscrit dans notre constitution.
Docteur Christophe Prudhomme
Médecin urgentiste - Syndicaliste
SOURCE : Facebook