Le rôle de l’URSS dans la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) – Par Annie Lacroix-Riz
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Par Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, Paris 7
Publié initialement en mai 2015
Deux ans après sa victoire sur la Wehrmacht et le nazisme, la « Guerre froide » officiellement installée, l’Armée rouge, chérie de tous les peuples européens depuis juin 1941, passa chez ceux de l’« Ouest » pour une menace[1]. Aujourd’hui, l’historiographie française, sa mutation pro-américaine vieille de trente ans achevée, voue l’URSS aux gémonies tant pour la phase du pacte de non-agression germano-soviétique que désormais pour celle de la « Grande guerre patriotique ». Nos manuels, assimilant nazisme et communisme, surenchérissent sur les historiens d’Europe orientale recyclés à l’Ouest. Les grands médias, qui encensent « les historiens du consensus »[2] à l’« « esprit dégagé de tout sectarisme »[3], ont transformé le débarquement « américain » (anglo-américain, Commonwealth inclus) du 6 juin 1944 en événement militaire décisif ( Lire en cliquant ici) . Martèlement efficace. Les sondages IFOP sur la contribution respective de l’URSS et des États-Unis à la conduite militaire de la Deuxième Guerre mondiale ou « à la victoire sur les nazis » se sont, entre mai 1945 et mai 2015, strictement inversés : 57% pour l’URSS à la première date (20% pour les États-Unis); 54% pour les États-Unis aujourd’hui, et jusqu’à 59% chez les moins de 35 ans[4], victimes prioritaires de la casse de l’enseignement de la discipline historique.
Cette inversion politique consacre le double triomphe, en France, de l’hégémonie américaine et d’une russophobie obsédante depuis 1917, limitée pendant plusieurs décennies par l’existence d’un parti communiste puissant et présent sur le terrain de l’histoire mais considérablement accentuée par la chute de l’URSS. Elle est sans rapport avec le tableau que dressent les sources originales du rôle joué par l’URSS dans la Deuxième Guerre mondiale.
Du sabotage franco-anglo-polonais de l’Entente au pacte germano-soviétique
Ce que fit l’URSS quand le Blitzkrieg écrasa l’Europe (septembre 1939-mai 1941) a suscité depuis quelques décennies de nombreux travaux scientifiques, anglophones surtout[5]. Ils renouent en général avec la thèse, solidement établie entre la guerre et les années 1960, des prestigieux Lewis B. Namier, A.J.P. Taylor (historiens) et du journaliste Alexander Werth[6], père de Nicolas, qui symbolisa autant la russophilie de guerre et d’après-guerre que son fils incarne la russophobie contemporaine.
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