CONTRADICTIONS EUROPÉENNES
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Par Bertrand Renouvin
Les milieux éclairés affirment à tous vents que l’Europe est au pied du mur et à la croisée des chemins comme s’ils voulaient se mettre eux-mêmes en mesure d’avancer. Au carrefour des velléités et devant les murailles qu’ils ont édifiées, c’est un long piétinement qui les guette. Le blocage résulte de deux contradictions, dans lesquelles ils se sont enferrés.
La première tient à une auto-illusion : l’élite européiste prend l’Union européenne pour l’Europe tout entière alors que sa civilisation s’étend sur l’ensemble d’un continent – et le déborde – et relie dans un même ensemble des empires ou d’anciens empires et des nations qui concourent aux équilibres et aux déséquilibres géopolitiques. L’enjeu devrait être la maîtrise ou le dépassement des conflits par un accord de sécurité collective et par des structures de coopération. Or l’Union européenne continue de chercher sa définition et son unité contre une partie de l’Europe.
Cultivant cet antagonisme, l’Union européenne est persuadée de sa supériorité morale par les “valeurs” qu’elle proclame et par l’affirmation de son bon droit démocratique. Même si elle cessait de promouvoir les “valeurs” capitalistes et se donnait des structures plus démocratiques, l’Union européenne ne pourrait surmonter sa deuxième contradiction : les organes installés à Bruxelles, Francfort et Strasbourg ne formeront jamais un Etat, alors que le cours des affaires mondiales est dominé par des États – la Chine, les Etats-Unis, la Russie – capables de définir une stratégie et de mobiliser des forces considérables dans tous les domaines où peut s’exercer la volonté de puissance. L’offensive protectionniste des États-Unis, l’agressivité commerciale de la Chine et l’agressivité militaire de la Russie soulignent durement la faiblesse constitutive de l’Union européenne.
L’élite européiste assiste aujourd’hui au naufrage de ses fantasmes idéologiques : elle a conçu l’Union européenne comme un empire des normes juridiques déjà installé dans la post-histoire et bénéficiant des avantages d’un marché mondialisé, qui apporterait la démocratie en tous lieux sous l’égide des États-Unis. Elle subit la démondialisation, les conflits nationaux, les crises à répétition, la logique illibérale d’un capitalisme plus prédateur que jamais et la menace d’un désengagement américain, sans avoir la moindre prise sur les bouleversements en cours.
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