La grande panne du samedi soir

Pour la CGT, cette panne est un avertissement. L’absence de politique énergétique européenne et la libéralisation mettent en péril la sécurité d’approvisionnement.
Un problème sur une ligne à haute tension en Allemagne et voilà 5 millions de Français, habitant plusieurs régions du pays, plongés dans le noir pendant au moins une demi-heure. « Loin d’être un incident aussi exceptionnel qu’imprévisible, la panne géante d’électricité qu’a connue l’Europe samedi soir est un sérieux avertissement. Elle démontre l’extrême fragilité du système énergétique européen », explique Maurice Marion, porte-parole de la Fédération CGT de l’énergie. Une fragilité que le syndicaliste attribue « au déficit européen de capacités de production d’électricité, à la libéralisation du marché et à l’absence de politique énergétique européenne ».
« La France conserve encore aujourd’hui une capacité de production d’électricité lui permettant de faire face aux pics de consommation du pays. Mais cet avantage est annulé du fait de l’interdépendance des réseaux d’électricité nationaux en Europe », explique le syndicaliste. Pour créer un marché européen de l’énergie, ces réseaux ont été en effet interconnectés. Cette interconnexion dont le but est de permettre le commerce d’électricité à l’échelle européenne, a solidarisé de fait les différents pays européens. Ceci explique qu’un incident majeur en Allemagne peut provoquer des coupures dans les pays voisins. Dorénavant l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité doit donc être assuré non plus au seul niveau national mais à l’échelle du continent. Or c’est là que le bât blesse. « De nombreux pays européens possèdent aujourd’hui des moyens de production d’électricité insuffisants et menacent d’entraîner l’ensemble de l’Europe de l’Ouest dans le black-out. » Selon plusieurs organismes comme l’OCDE ou l’Observatoire européen de l’énergie, il est nécessaire d’investir entre 700 et 1 000 milliards d’euros en Europe d’ici à 2030 pour combler le déficit en capacité de production et garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité.
Malgré le risque de pénurie et de black-out, les opérateurs électriques européens réduisent depuis six ans le niveau de leurs investissements. La part moyenne du chiffre d’affaires qu’ils leur consacrent est en effet passée de près de 16 % à moins de 10 % en 2004. « Cette baisse est la conséquence directe de la libéralisation du marché de l’énergie », poursuit le syndicaliste, qui observe que, plutôt que d’investir dans le développement de nouvelles capacités de production, les opérateurs ont préféré investir dans des opérations de croissance externe, c’est-à-dire dans le rachat de leurs concurrents. Selon la CGT, « 200 milliards d’euros ont été ainsi dilapidés ces deux dernières années ».
Devant cette situation, la CGT exige que soit « stoppé le processus de libéralisation ». « Devant la menace de black-out, les politiques doivent prendre leurs responsabilités », prévient Maurice Marion. La CGT réclame également « la mise en oeuvre d’une véritable politique européenne de l’énergie ». « Dans ce cadre, nous proposons la création d’une agence européenne de l’énergie », poursuit le syndicaliste. « Cette agence aurait pour but de mettre en oeuvre des coopérations entre les différents pays européens afin de réaliser les investissements nécessaires dans la production mais également dans la recherche afin de garantir la sécurité d’approvisionnement. »