ALLEMAGNE : Die Linke continue de prier le SPD d'accepter la formation d'un « gouvernement de gauche plurielle »
L'issue des élections législatives en Allemagne laisse un champ ouvert aux combinaisons politiciennes. « Grande coalition » CDU-SPD ou « gauche plurielle », rouge-rose-verte, de Die Linke au SPD.
position de la direction du SPD est claire : pas de gouvernement de gauche avec Die Linke et recherche d'une « grande coalition » avec la droite de Merkel, déjà testée entre 2005 et 2009 dont le Ministre des Finances fut le candidat social-démocrate à la chancellerie, Peer Steinbruck.
Sur l'essentiel, CDU et SPD sont d'accord : statu quo sur la précarisation des travailleurs, la retraite à 67 ans, le renforcement de l'intégration et de l'austérité européenne, compensée par des mesurettes sur le salaire minimum et une réforme fiscale touchant les hauts revenus.
Une grande coalition SPD-CDU : une alliance de bon sens
Dans ces conditions, l'hypothèse d'une majorité de gauche SPD et Linke semble saugrenue. Le SPD ne s'est jamais démarqué de son héritage libéral, Steinbruck se revendiquant dans la campagne de l'héritage de Schroder, celui des lois Hartz qui ont plongé des millions d'allemands dans la précarité.
Die Linke avait tracé des « lignes rouges » sur lesquelles elle n'était pas censée transiger. Des lignes devenues, dans le discours de dirigeants comme Gregor Gysi, « oranges » puis « vertes ».
La dernière interview accordée par Katja Kipping au quotidien « Die Zeit », le 26 septembre, est révélatrice des positions du « parti de gauche » quant à l'alliance avec la social-démocratie. Extraits.
La recherche d'une coalition rouge-rose-verte : « Si la SPD a exclu une coalition, ce n'est pas notre cas »
Le journaliste de « Die Zeit » rappelle d'entrée que le SPD semble exclure une coalition « rouge-rouge-verte » et demande si Linke se sent bien dans l'opposition.
La réponse de Kipping : « L'opposition n'est pas une sinécure. Nous devons redoubler d'énergie pour nous faire entendre, peser pour changer les choses. Une coalition rouge-rouge-verte n'est pas gagnée mais c'est encore possible ».
« Est-ce que ce n'est pas une fausse proposition, voulez-vous vraiment le gouvernement ? », demande le journaliste. « Notre ligne, c'est : nous sommes ouverts aux négociations. Si la SPD a exclu une coalition avec nous, ce n'est pas notre cas ».
Les lignes rouges ? « On est prêt à faire des compromis »
« Et les lignes rouges ? », questionne le journaliste. La réponse de la présidente de Linke porte sur un point : « Pas de nouvelles opérations militaires à l'étranger ». Ce qui veut dire pas d'intervention armée en Syrie. Sur ce point, il peut y avoir convergence avec le SPD … jusqu'à Merkel.
Par contre, cela suppose de ne pas revenir sur les opérations en cours, comme en Afghanistan, ni sur les contrats d'armements juteux signés par l'industrie de l'armement allemande. Par ailleurs, comme le souligne Mme Kipping : « Il y a d'autres points sur lesquels on est prêt à faire des compromis ».
Le salaire minimum : « Un point de convergence majeur »
Et la présidente de Linke de rappeler sur-le-champ un point de convergence : le salaire minimum. « Nous voulons un salaire minimum, comme le SPD et les Verts. Sur notre proposition de 10 euros ? L'idée est importante, après sur le montant, on peut discuter ».
On peut rappeler que le SPD avait dans son programme l'instauration du salaire minimum à 8,50 euros. Une proposition à laquelle n'est pas hostile la CDU, plutôt favorable à des accords par branche.
Quand le journaliste évoque la potentialité de faire passer d'entrée un accord sur le salaire minimum, en utilisant la majorité de fait au Bundestag, prouvant ainsi la viabilité d'un gouvernement de gauche, la réponse de Mme Kipping est encore instructive :
« Je pense qu'il serait irresponsable de ne pas se saisir de cette occasion. La question du salaire minimum est un point de convergence majeur »
Une interview révélatrice de la ligne de « Die Linke » vis-à-vis de la social-démocratie historique : recherche des alliances à tous les niveaux, dans l'optique de « peser à gauche » dans les institutions.
Gregor Gysi avait déclaré après les élections que « Linke reste ouvert à la discussion. Le SPD et les Verts devraient s'engager dans des négociations avec nous ». Il avait qualifié de « grosse erreur » le refus du SPD d'envisager un gouvernement « rouge-rouge-vert ».
Le dirigeant du SPD, Sigmar Gabriel, a récemment marqué son souhait de voir émerger des « gouvernements de gauche » semblables à ceux expérimentés en Allemagne de l'Est.
Entre 2001 et 2011, Die Linke gouvernait le land de Berlin en coalition avec le SPD, appliquant une série de coupes qui en firent un laboratoire de l' « austérité de gauche » : baisse des salaires, licenciement de dizaines de milliers de fonctionnaires, coupes massives dans l'éducation et la santé.
Entre 2001 et 2011, le gouvernement de gauche à Berlin n'a non seulement rien fait pour freiner la spéculation immobilière et a même encouragé la privatisation du logement social.
Die Linke avait alors payé cher cette politique, passant de 22 % des voix en 2001 à 11,7% en 2011, à l'échelle de Berlin. Au niveau national, lors de ces élections, la ligne modérée et ambiguë de Linke n'a pas payé : passant de 11% en 2009 à 8,7% en 2013.
Aujourd'hui, dans l’État de Hesse, région-clé de l'Allemagne de l'Ouest qui abrite notamment Francfort, les tractations sont en cours après les élections régionales partielles pour un gouvernement SPD-Verts-Die Linke.
La dirigeante locale de Linke s'est déjà dite prête à faire des concessions, et à faire tomber une « ligne rouge » : celle de l'adoption de mesures d'austérité budgétaire au Parlement régional.
Article AC