Dette du journal « L’Humanité » : pluralisme préservé, indépendance bafouée [Tribune libre]
Une TRIBUNE LIBRE article de Leflambo
lu sur AGORAVOX
Beaucoup diront que c'est l'indépendance de la presse qui est bafouée, et tous auront raison. La décision du gouvernement de passer l'éponge sur la dette du quotidien L'Humanité est à accueillir avec scepticisme. Par un simple amendement voté le 3 décembre au projet de loi de finance rectificative de 2013, voilà la créance de quatre millions d'euros disparue... avec l'argent du contribuable.
Ce prêt, de 4,09 millions d'euros, a été réalisé en 2002 à un moment où le titre était en pleine restructuration. L'Humanité s'étant vue refuser une aide auprès de onze banques, elle n'a eu d'autre recours que de se tourner vers l’État. La vente du siège de Saint-Denis, fin 2007, a permis d'injecter 15 millions d'euros dans les caisses du journal. De quoi rembourser deux prêts sur les trois.
Néanmoins, la situation de L'Humanité ne s'est pas améliorée pour autant. Entre 2009 et 2011, l’État a subventionné chaque exemplaire à hauteur de 0,48 euro (sur 1,40 euro). Cette aide représente 6,8 millions d'euros par an et fait du quotidien communiste le titre de presse le plus soutenu par l’État durant cette période.
Le directeur de L'Humanité, Patrick Le Hyaric, explique la crise du journal par la baisse des revenus publicitaires ainsi que par la baisse de sa diffusion. En un an, les ventes ont chuté de 7%, ramenant en moyenne à 41 000 le nombre d'exemplaires vendus quotidiennement. Patrick Le Hyaric regrette également la baisse du nombre d'abonnés, imputable au fait que « les ménages se serrent la ceinture à tous les niveaux ».
L'effacement de la dette est donc un soulagement pour le quotidien qui prévoit plusieurs innovations pour 2014 : une nouvelle formule papier sera mise en vente dès début mars et un nouveau site internet mis en ligne dès avril.
De quoi marquer les 110 ans du journal fondé par Jean Jaurès.
Dans le monde de la presse, un tel événement ne peut que laisser perplexe et mitigé. D'un côté, le bon, l’État respecte et fait respecter la liberté de la presse en laissant en vie L'Humanité. Le pluralisme est sauvegardé et la démocratie avec. Il aurait été mal vu de voir disparaître le principal journal d'un courant défini, en occurrence, ici, le courant communiste. En quelque sorte, l’État applique cet adage : « A chaque parti, son journal », et on ne peut que l'en féliciter.
D'un autre côté, le mauvais, l’État vient au chevet d'un seul journal et non au chevet de tous. Pourtant, ce n'est rien apprendre que de dire que tous les journaux sont en mauvaise santé, que leurs ventes et recettes s'effondrent, et que les licenciements s'enchaînent. Seuls quelques titres échappent à cette épidémie, comme l'hebdomadaire Valeurs Actuelles. Alors, pourquoi ce soutien à L'Humanité ? Cela revient à soigner à la tête du patient !
Il est vrai qu'on se serait étonné d'un geste semblable envers Le Figaro, cela va de soi ! D'aucuns diront que le gouvernement de Hollande a voulu séduire son aile très à gauche, et que tout n'aura été que stratégie électorale.
Cette décision est là aussi pour rappeler que la presse écrite, contrairement à la radio ou à la télévision, n'a aucune empreinte dans le service public. Elle n'a pas d'institution équivalant à Radio France ou à France Télévisions.
Elle vit pour ainsi dire livrée à elle-même. L'une des rares interventions de l’État dans la presse écrite prend la forme d'aides publiques : subventions, TVA à 2,1% et prix postaux réduits, etc.
On interprétera la générosité du gouvernement comme on voudra. Quoi qu'il en soit, ce fait du prince me laisse mi-figue mi-raisin.