François Hollande et la France de la défiance généralisée
Professeur des Universités et chercheur au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), le politologue Pascal Perrineau -qui a présenté lundi les résultats du dernier « baromètre de confiance » qu'a réalisé pour le CEVIPOF l'institut Opinion-Way- en a vu d'autres. Mais, cette fois, il ne le cache pas, il est sidéré, et se dit inquiet. Car ce qui se dégage de cette enquête -il pèse ses mots- c'est « une forme de dépression collective ». Où qu'ils tournent leur regard, les Français ont peur, ils doutent, ils se méfient. Et, d'une enquête à l'autre, cela s'accentue. La défiance se généralise. Troublant paysage.
Six chiffres, à eux seuls (on pourrait en citer tant d'autres), en disent long.
89% des Françaisn'ont pas confiance dans les partis politiques. Et 77% « pas confiance » dans les médias (qui, eux-mêmes, devancent de très peu.... les syndicats).
87% des Français pensent que « les responsables politiques »(exception faite des seuls à survivre à cette débâcle: les maires) ne se préoccupent pas ou peu d'eux.
69% des Français pensent que la démocratie, en France, « ne fonctionne pas très bien, ou pas bien du tout ».
67% confient que François Hollande (enquête réalisée du 25 novembre au 12 décembre 2013) les « inquiète » (+34 points par rapport à octobre 2011).
67% des sondés estiment qu'il y a « trop d'immigrés en France ».
65% considèrent que la situation financière du pays va, dans les prochains mois, continuer de « se dégrader ».
« La colère est partout », résume Pascal Perrineau qui se demande sur quoi tout cela va déboucher, et n'exclut pas, lors des prochains scrutins, une double et forte poussée de l'abstention: abstention de pure et simple indifférence fataliste; abstention de ceux qui « croient à la politique » mais pas aux « solutions » (consternantes, selon eux) qu'on leur propose en l'état. « Ce qui est très possible, c'est un formidable bras d'honneur... ».
Certes, alors que les citoyens entendent moins que jamais se laisser dicter d'en-haut leur conduite, il faut se méfier des simplifications. Ainsi 59% des Français -y compris une forte minorité « de gauche »- souhaitent-ils aujourd'hui que l'Etat fasse davantage confiance... aux entreprises. Mais, en sens inverse, à qui les Français, pourtant sévères, donnent-ils la meilleure note, jugeant que ces institutions-là fonctionnent ? Aux hôpitaux, à l'armée, à la police.
L'enquête du CEVIPOF fait surgir une France complexe et perdue qui, dans un climat anxiogène, se cherche, et n'exclut rien. Pour 60% des Français interrogés, à l'heure d'une crise historique, le classique clivage gauche-droite n'aurait, en effet, plus de sens, ou guère de sens, ou pas beaucoup de sens. Le salut, martèlent-ils, ne viendra pas des politiques. Avis à François Hollande, et... aux autres.
Dominique de Montvalon
source: http://www.lopinion.fr/blog/hollande-2017/hollande-france-defiance-generalisee-8103