Jeudi 14 novembre 2013 : Grève des enseignants
Une nouvelle journée nationale de grève est organisée ce jeudi 14 novembre, toujours à l’appel de la CGT, SUD, et FO, syndicats minoritaires et considérés comme les plus radicaux de l’Education nationale. Les chiffres de grévistes d’ores et déjà connus (il faut se déclarer à l’avance) font état d’une mobilisation sans précédent qui dépasse largement l’influence électorale et même militante des syndicats organisateurs.
Les enseignants luttent
Les instituteurs et professeurs des écoles n’ont jamais massivement adhéré à la réforme de Peillon. D’abord parce que cela bouleverse leurs conditions de travail déjà pas terribles. Quels salariés accepteraient de travailler un jour de plus par semaine sans que leur salaire ne bouge ? Ensuite, ils ont vite compris que l’intérêt des enfants n’était pas du tout en jeu, que le but était ailleurs.
La réforme des rythmes scolaires imposée par le ministre Peillon est une vraie catastrophe. Pour les 20 % de communes qui l’expérimentent elle va à l’encontre des intérêts des enfants et de l’ensemble des personnels (territoriaux et enseignants) et des usagers (notamment des parents salariés).
Le coût de cette réforme est énorme. La commune des Lilas, en Seine-Saint-Denis, l’a estimé entre 400 000 et 600 000 euros. La municipalité de Gennevilliers évalue aujourd’hui à 3 000 euros par enfant les services complémentaires extrascolaires qu’on lui impose. Ce nouveau désengagement de l’Etat constitue une nouvelle charge écrasante que nombre de communes ne pourront financer dans la durée.
Qui va payer ? Inévitablement ce seront les usagers, soit directement, avec des activités payantes, soit indirectement, avec les impôts locaux. Par exemple, la municipalité socialiste de l’Ile-Saint-Denis, en bon élève enthousiaste du Ministre Peillon, a décrété le paiement des activités péri-éducatives pour l’ensemble des élèves de maternelles. C’est la remise en cause de la gratuité scolaire.
Les dispositifs sont différents d’une commune à l’autre voire parfois au sein d’une même commune lorsque l’on fait appel à des associations qui ont des moyens. C’est dessin ici, rassemblement dans la cour là, goûter prolongé ailleurs ou encore atelier payant de danse dans certains endroits huppés.
Les témoignages des enseignants, des personnels municipaux, des parents concordent pour décrire une dégradation sans précédent des conditions de travail et d’apprentissages.
Quel bilan peut-on en tirer ?
Les élèves sont plus fatigués, car ils passent plus de temps en collectivité, dans des structures collectives. Ils sont désorientés parmi les multiples intervenants qui saucissonnent les projets pédagogiques et les rendent illisibles.
Les enseignants subissent un élargissement de la semaine de travail, sans que le salaire ne soit modifié, avec des coûts supplémentaires de transports. Cela entraînera si l’on n’y met pas un terme un accroissement des amplitudes horaires et des postes avec des coupures.
Les personnels municipaux vivent une remise en cause des horaires de travail, des profils de postes, de la nature des activités du mercredi ; les animateurs ont leurs conditions de travail aggravées par l’application dérogatoire du décret « jeunesse et sport » qui permet qu’ils encadrent 18 élèves au lieu de 14 en élémentaire et 14 élèves au lieu de 10 en maternelle.
Derrière tout ça il y a un projet de transformation de l’Ecole
Mis en difficulté, le ministre défend mordicus sa réforme. Beaucoup se demandent pourquoi il s’accroche autant, car il est bien clair que cela n’a rien à voir avec l’intérêt des enfants.
Peillon et d’autres organisations proches du PS veulent mélanger les genres dans l’Ecole, y faire entrer, aux côtés des enseignants, d’autres intervenants. Le but cherché est de « ramasser » les tâches des enseignants sur ce que l’on appelle les fondamentaux (le fameux lire, écrire, compter du réactionnaire Chevènement) et de laisser le reste à la charge d’autres intervenants. Ce n’est pas seulement pour faire des économies, mais pour modifier profondément le métier de professeur des écoles, qui, à terme, pourrait ne plus consister qu’à encadre des répétiteurs faisant passer des évaluations et des animateurs sportifs ou culturels.
Cela va de pair, évidemment, avec le transfert de charges en direction des communes ou des structures intercommunales, sans y ajouter les moyens, bien sûr. A terme, leur projet, est de confier les activités "annexes" (culture des arts, sport, informatique, voire histoire) à des personnels municipaux dans un cadre payant.
L’hiver et le printemps derniers, des mouvements de grève locaux importants ont eu lieu, notamment en région parisienne (Hauts-de-Seine, Paris, Seine-Saint-Denis). Ils ont conduit à une journée nationale de grève le 12 février 2013 à l’appel de la CGT, de SUD, de FO rejoints par le syndicat majoritaire du premier degré, le SNUIPP-FSU. Par la suite, le SNUIPP a tout fait pour éteindre les braises, faire cesser le mouvement et rentrer les enseignants dans leurs classes.
Mais c’était compter sans la colère persistante de la profession.
La FSU, qui, depuis le début, tente de sauver le soldat Peillon. Quand l’intersyndicale parle d’abrogation du décret, il demande un toilettage. Il s’est lancé dans une semaine d’actions multiples hors grève qui est un four. Ce que veulent les enseignants, c’est la grève pour gagner.
La base électorale et militante de la FSU est à fond dans la grève, alors, ici et là, le SNIUPP-FSU tente des diversions, en déplaçant la grève au mercredi 13 (Loire Atlantique, Haute Garonne) ou en appelant contraint et forcé, mais sur d’autres revendication (une trentaine de départements).
Une grande journée le 14 novembre 2013 : la victoire est possible
Ces manœuvres du syndicalisme intégré au système ne peuvent empêcher la lutte de grandir. Le 14 novembre sera une réussite, et ce d’autant plus que, pour la première fois, les organisations syndicales des personnels territoriaux, CGT, FO et SUD s’associent au mouvement et appellent aussi à la grève.
Au bout du chemin, il y a le décret Peillon, il est à portée de mains des grévistes. Poursuivre la lutte jusqu’à la victoire est non seulement possible, mais plus qu’important.
Encore une fois, nous constatons que seule la lutte acharnée, décidée est payante.