SYRIE: comment la France pourrait agir (Une chronique de Bertrand Renouvin]
Mais pourquoi, pourquoi donc François Hollande se comporte-t-il dans la crise syrienne de manière aussi consternante ? On nous vantait le fin tacticien, l’homme sachant, à défaut de convictions, s’adapter à l’évolution des rapports de forces… C’était sans doute vrai pour les jeux de l’appareil socialiste mais en politique, en géopolitique et en géostratégie, François Hollande n’en finit pas de s’égarer.
Le 4 septembre au Parlement, le débat sans vote sur la Syrie était parfaitement ridicule. A Londres, on a voté. A Washington, on va voter. A Paris, on disserte sur la morale, sur le droit international, sur l’intervention militaire décidée par l’Elysée, mais on ne vote pas. Ce qui n’empêchera pas les dirigeants socialistes de donner des leçons de démocratie au monde entier. Bien sûr, le Gouvernement avait pour lui la Constitution révisée par Nicolas Sarkozy qui prévoit – article 35 – un débat sans vote en cas d’intervention militaire à l’extérieur. Mais le refus du vote, qui aurait pu avoir lieu sur une déclaration de politique générale, est un acte de faiblesse politique.
Le 5 septembre à Saint-Pétersbourg, François Hollande a subi une cinglante défaite diplomatique. Parti d’un beau pas pour rassembler une coalition, il s’est heurté au refus du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, affirmant qu’ « il n’y a pas de solution militaire en Syrie » et qu’il faut une « solution politique ». Tel est également l’avis de la Chancelière allemande, qui d’ordinaire fait plier les dirigeants français. Mais François Hollande s’est choisi pour la circonstance un nouveau maître et attend son coup de sifflet. Cela se dit à Paris sans la moindre honte : on attend la décision du Congrès des Etats-Unis. Pour passer le temps, on ressasse l’argumentaire conçu à Washington : une opération militaire est nécessaire pour obtenir une solution politique.
Dans le vague souvenir des guerres en Bosnie et au Kosovo, on se paie de mots. Bombarder les troupes d’Assad, c’est déjà un choix politique – un choix qui sera fait par les Américains. S’ils décident un bombardement « punitif », limité dans son ampleur et sa durée, Bachar el-Assad continuera la guerre. S’ils choisissent une longue campagne de bombardement pour pénaliser l’armée régulière, ils donneront l’avantage aux groupes rebelles sans avoir la moindre garantie d’évolution vers la paix et la démocratie.
Faut-il se résoudre à ne rien faire ou bien faire quelque chose parce que le pire serait de ne rien faire ? C’est là une fausse alternative qui masque la possibilité d’une véritable médiation. On n’a pas prêté la moindre attention à la lettre que le pape François a adressée le 5 septembre à Vladimir Poutine, président du G 20 : « A tous les dirigeants présents [à Saint-Pétersbourg], à chacun d’entre eux, je fais un appel du fond du cœur pour qu’ils aident à trouver des moyens de surmonter les positions conflictuelles et d’abandonner la vaine prétention d’une solution militaire » écrit le pape qui a fait préciser par le Saint-Siège les principes d’une négociation : respect de l’intégrité territoriale de la Syrie, garanties à tous les groupes (chrétiens, alaouites…) composant le pays, respect des droits de l’homme, isolement des groupes extrémistes, aide à la reconstruction.
François Hollande, moraliste inconséquent, aurait pu se saisir des propositions formulées par le Saint-Siège et s’envoler pour toutes les capitales concernées ou impliquées – y compris Moscou et Téhéran – afin de nouer les fils de la négociation internationale. Peut-il encore agir de telle sorte que la France joue un rôle décisif en faveur de la paix ?
Oui, s’il le veut.
Mais sait-il ce que c’est, la volonté ?