TRIPLE PEINE [l'éditorial d'Informations Ouvrières]
Triple peine
L’EDITORIAL d’ INFORMATIONS OUVRIERES
par Daniel Gluckstein,
Secrétaire national du POI.
La Sécurité sociale est au cœur du « pacte de responsabilité » dont Hollande a réaffirmé ce 14 janvier la proposition. Que, pour commencer, il attaque le sujet par le biais des seules allocations familiales ne change rien à l’affaire. La Sécurité sociale, faut-il le rappeler, c’est, en totalité, du salaire ouvrier qui revient aux travailleurs pour faire face — par le biais différé de la solidarité ouvrière — aux aléas de l’existence : maladie, famille, vieillesse. Exonérer les patrons, c’est priver l’ouvrier d’une partie de son salaire.
La « compensation » partielle de ces exonérations par le budget de l’Etat ne fait qu’aggraver la chose. C’est la double peine : d’une part, l’ouvrier est privé d’une partie de son salaire, et là où il avait jusqu’à présent un droit, il y aura désormais une ligne budgétaire qui peut varier d’une année sur l’autre jusqu’à disparaître ; d’autre part, la compensation par l’Etat, à l’heure où l’Union européenne exige la réduction des déficits publics, signifie que l’ouvrier sera également privé d’une partie des services publics supprimés ou réduits pour financer ces exonérations accordées aux patrons.
Triple peine même puisqu’il est question — là encore au nom de la « réduction des déficits » — de contracter les dépenses de l’assurance maladie. Triple peine mais une seule victime : les familles ouvrières et populaires.
Pendant ce temps, les Bourses flambent. Le record absolu de la capitalisation boursière mondiale a été battu l’an dernier : plus de 61 700 milliards de dollars ! Cela ne résoudra pas pour autant la crise qui étrangle le système capitaliste fondé sur la propriété privée des moyens de production. Car l’ouvrier producteur est aussi l’ouvrier consommateur. La « baisse du coût du travail », c’est-à-dire la baisse du salaire — direct ou différé (Sécurité sociale) —, c’est la réduction du pouvoir de consommation des familles ouvrières et populaires (et, par conséquent, la tendance à la contraction du marché).
La Sécurité sociale est l’enjeu d’une confrontation classe contre classe. Tous ceux qui — en France comme dans le monde entier — prônent la « baisse du coût du travail » ne font qu’aggraver la crise et frapper la classe des producteurs. Cela vaut aussi pour ceux qui critiquent le pacte de responsabilité de Hollande, mais… acceptent la baisse des cotisations en échange d’une promesse de « contreparties ». Cela vaut également pour d’autres qui revendiquent d’être associés à l’écriture du pacte… afin qu’il intègre la « conditionnalité des aides aux entreprises ».
Tout cela revient au même : baisser le salaire ouvrier et engraisser les profits de la Bourse.
D’un point de vue de classe, il n’y a rien à négocier sur la Sécurité sociale. Quiconque prétend — quelles qu’en soient la forme et les raisons — participer à l’élaboration d’un pacte dont l’objet est de réduire les « cotisations sociales » propose en réalité d’amputer le salaire ouvrier. Quiconque se place du côté des droits ouvriers ne peut tenir qu’un seul langage : on ne touche pas à la Sécurité sociale, et pas davantage à une quelconque de ses branches. Le salaire ouvrier doit être intégralement défendu : telle est la base de l’indépendance de classe et de l’unité nécessaire dans le combat de défense de la Sécurité sociale, premier pas vers la reconquête de la Sécurité sociale de 1945.