Et si la France sortait de l’Euro: arguments pour aider au débat…
"Si la France quitte l'euro, ne risque-t-elle pas d'être complètement isolée en Europe ?"
Cette interrogation, entretenue par les médias et les partisans de la monnaie unique, est légitime. Beaucoup en effet ont bien compris les méfaits de l'euro, mais n'osent pas tirer jusqu'au bout les conclusions de leur réflexion, de crainte d'un isolement dévastateur de notre pays en Europe.
Il faut les rassurer.
Pour quelles raisons ?
D'abord parce que l'Europe sans la France n'existe pas et ne peut pas exister. La France est en effet le 2ème pays le plus peuplé du continent (et le premier dans 25 ans), elle est aussi le plus étendu et elle occupe une place absolument centrale dans la géographie européenne. D'un strict point de vue monétaire, la part pondérée du franc dans l'euro s'élève à 25%. La sortie de la France de la zone euro ne se traduirait donc pas par autre chose qu'une disparition pure et simple de cette zone. Les économistes en sont bien conscients, et tout dirigeant politique de bonne foi ne peut que l'admettre.
Par ailleurs, une sortie de la France de l'euro ne se ferait pas d'un coup, du jour au lendemain, à la surprise générale. Elle aura nécessairement été précédée d'une phase de plusieurs mois de discussions et de négociations, qui aura permis l'anticipation par l'ensemble des acteurs européens d'une possibilité que la France abandonne la monnaie unique. En économie, l'anticipation est fondamentale. Un événement anticipé n'en est plus un. Il n'y a donc pas à craindre une réaction brutale et imprévue des marchés par exemple.
Il faut également bien se rendre compte que les pays de l'Union européenne qui n'ont pas fait le choix de l'euro ne sont en rien isolés. Outre le fait que leurs économies se portent mieux que les nôtres, le Royaume-Uni, le Danemark ou la Suède obtiennent très souvent gain de cause à Bruxelles et ne sont pas considérés comme des parias. C'est mentir ou méconnaître profondément le fonctionnement de l'Europe que d'affirmer le contraire.
Enfin, une sortie programmée de la France de l'euro libérerait très vraisemblablement d'autres pays qui eux-aussi ont intérêt et souhaiteraient abandonner la monnaie unique. Une France annonçant sa volonté de retrouver une monnaie nationale verrait très certainement des pays comme l'Italie ou même l'Allemagne lui emboîter le pas. Il ne faut pas croire que seul notre pays a des problèmes avec l'euro. Le débat est même souvent plus libre et plus avancé ailleurs, notamment dans les deux pays cités précédemment.
Pour toutes ces raisons, il n'y a donc pas lieu de craindre l'apocalypse en cas d'abandon de la monnaie européenne...Un choix politique assumé et clair vaut de toute façon toujours mieux qu'une crise subie et provoquée par l'incapacité de prendre les décisions qui s'imposent en temps et en heure.
"Le franc ne peut pas lutter avec le dollar, alors que l'euro le peut. N'est-il donc pas dangereux de quitter la zone euro ?"
Cette interrogation pose en filigrane la question de la puissance. Elle part du présupposé que plus une monnaie est attachée à un territoire vaste et peuplé, plus elle est forte au niveau international. Il faut rassurer les personnes inquiètes à ce sujet. Ce raisonnement n'a en effet aucun sens en matière monétaire.
Pourquoi ?
-Tout d'abord parce que la force d'une monnaie ne réside pas dans la taille du pays où elle a cours légal. Elle se juge bien plus à sa capacité ou non à servir les intérêts économiques de ce pays. Pour savoir si c'est le cas, il est inutile de regarder la taille du pays, mais il faut s'intéresser à sa valeur et aux taux d'intérêt qui lui sont liés. Ainsi, le franc suisse est attaché à un petit pays mais il répond beaucoup mieux aux intérêts de la Suisse que l'euro ne le fait pour la zone euro et pour la France. Il n'est en effet par essence par possible d'adapter finement la valeur de la monnaie unique aux intérêts de chacun des pays qui l'ont adoptée. Il y aura toujours des perdants et des gagnants. Force est de constater que depuis des années, la France est du côté des perdants, souffrant d'un euro sur-évalué et de taux d'intérêt trop souvent revus à la hausse. Elle n'est cependant pas en mesure de faire valoir ses intérêts auprès d'une Banque Centrale de Francfort jalouse de son indépendance absolue ;
- Pour cette raison, un franc bien piloté est bien plus profitable pour la France qu'un euro mal géré, quelle que puisse être la différence de poids entre les deux monnaies ;
-Il faut par ailleurs bien avoir en tête que l'euro ne s'est jamais imposé comme une grande monnaie internationale comparable au dollar, contrairement à ce que ses partisans nous avaient promis. Au niveau des transactions internationales, la monnaie unique représente en effet moins que la somme des anciennes monnaies nationales...Il n'y a donc pas eu création de valeurs avec l'euro, mais plutôt destruction.
L'argument de la grande monnaie synonyme de puissance opposé au retour du franc n'a donc aucun fondement.
"L'euro c'est la modernité. Le franc est ringard, archaïque"
Moderne, archaïque. Voilà des termes qu'on entend très rapidement dès qu'un débat sur l'euro, et l'Europe en général, est ouvert.
Cette petite musique lancinante, reprise à longueurs d'ondes sur toutes nos chaînes de télévision et toutes nos stations de radio depuis des années, a profondément marqué les esprits. Dès qu'il s'agit de discuter de l'avenir de la monnaie unique, beaucoup préfèrent ne pas entrer dans un débat argumenté, sous prétexte de modernité et de refus de l'archaïsme. Leur posture est souvent sincère, il s'agit donc de tenter d'y répondre sereinement et le plus clairement possible.
- Il faut tout d'abord avoir bien à l'esprit que la modernité et l'archaïsme ne sont pas des critères pertinents pour juger une mesure économique. Ce qui compte, c'est son efficacité et sa capacité à apporter plus de croissance, de prospérité et d'emplois. Et là, le prétendu "moderne" euro ne tient pas la route une seconde face aux monnaies nationales. Depuis son introduction en effet, la zone euro a systématiquement un taux de croissance inférieur à celui des pays européens hors zone. Qui est donc le plus moderne ? L'euro qui nous vaut moins de croissance et moins de pouvoir d'achat ou la livre sterling qui préserve le Royaume-Uni de ces maux ?...
- Il ne faut ensuite pas oublier que de nombreuses expériences de monnaies uniques ont déjà été menées dans l'histoire, sans qu'elles ne rencontrent jamais le succès escompté. Pensons à l'Union latine au XIXème siècle entre la France, la Belgique, la Suisse et l'Italie, un échec. Pensons aussi au rouble soviétique, un échec. En revanche, le dollar, le yen, le yuan, le franc suisse ou la livre sterling, devises des Etats-Unis, du Japon, de la Chine, de la Suisse et du Royaume-Uni, ont prouvé leur solidité. Toutes sont des monnaies nationales, attachées à une nation, un pays, conscients de ses intérêts et relativement homogène. Où est donc la supposée modernité ? A bien y réfléchir, pas facile de répondre...
-Enfin, il faut bien se dire qu'une sortie de l'euro ne signifierait en aucune sorte un simple retour en arrière. Il s'agirait de rebâtir une monnaie nationale, plus apte à répondre à nos besoins, mais aussi un nouveau mode de gouvernance de cette monnaie, tenant compte des expériences du passé (comme les échecs de la Banque de France des années 1990 par exemple) et capable de répondre aux défis de demain. Un abandon de la monnaie unique serait d'abord un gain de souplesse, qui n'a aucune raison d'être taxé d'"archaïsme".
source : blog «sortirdeleuro.over-blog.com »