RÉFORMES en GRÈCE: l’eurogroupe en veut toujours plus [RUPTURES]
Le gouvernement grec a soumis hier (1er avril 2015) une énième version du plan de réformes exigé par l’ex-Troïka (rebaptisée « groupe de Bruxelles »). Le document – qui n’a rien d’un poisson d’avril – a été présenté au groupe de travail composé des directeurs du Trésor des pays membres de la zone euro (« euroworking group »). Cette instance « technique » est censée préparer le travail de l’eurogroupe, composé, lui, des ministres des finances.
Sa teneur a été dévoilée par le quotidien britannique Financial Times. Athènes propose désormais d’augmenter ses recettes d’un montant situé entre 4,6 et 6,1 milliards, à travers la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que contre des trafics en tout genre (notamment sur les carburants), et la mise en place de taxes touchant les contribuables les plus aisés. Une augmentation de la TVA sur certains produits est également envisagée.
Parmi les autres mesures figurent la mise en place d’une « banque de défaisance », pour isoler les créances irrécouvrables et soulager quelque peu les banques grecques en difficultés, de même que la poursuite de privatisations à hauteur de 1,5 milliard, un niveau cependant inférieur à celui accepté par le précédent gouvernement (4 milliards). Moyennant cela, le gouvernement d’Alexis Tsipras table sur un « surplus primaire » (excédent budgétaire avant paiement des intérêts de la dette) de 1,2% cette année.
Si ces « efforts » vont dans le sens exigé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le FMI, tout indique que ces derniers les jugent encore « insuffisants ». Le 20 février dernier, Athènes avait accepté le principe de ne décider d’aucune mesure sans le consentement préalable de l’UE, et d’engager des réformes qui allègent le déficit public. Le gouvernement nouvellement élu pouvait cependant choisir entre les réformes possibles, pour peu que le but fixé par les dirigeants européens soit respecté. En échange, l’eurogroupe avait acté le principe du déblocage de la dernière tranche (7,2 milliards) des crédits accordés via le deuxième plan de renflouement du pays.
Depuis cette date, les « partenaires » européens d’Athènes ont jugé les plans grecs proposés insuffisants ou insuffisamment précis. Or la situation du Trésor grec est particulièrement tendue. Rien qu’en avril, celui-ci doit rembourser des échéances de dette pour plus de 800 millions, et renouveler près de 2,5 milliards d’obligations. Dans les quatre prochains mois, c’est 16 milliards d’euros qui seront à rembourser.
Le ministre de l’Intérieur a même affirmé que, faute de déblocage de la dernière tranche de prêt européen, le pays pourrait ne pas faire face à l’heure à toutes ses obligations. Les services du premier ministre ont immédiatement démenti.
Mais rien n’y fait : l’eurogroupe conditionne son feu vert à une liste de réformes plus drastiques (salaires, retraites, privatisations, code du travail…) sur lesquelles le parlement grec se serait engagé. Alors qu’une ultime décision devait être arrêtée le lundi 30 mars, les discussions techniques se prolongent. Les membres de l’eurogroupe n’ont prévu une prochaine réunion que le 24 avril.
Tant que le gouvernement grec proclame qu’il entend rester au sein de la zone euro, il reste sous la pression de ses pairs. Et les traités européens donnent à ces derniers un rapport de force qui leur est particulièrement favorable. Reste à savoir jusqu’à quel point ils sont décidés à asphyxier les finances grecques sans prendre le risque de déclencher une nouvelle crise de l’euro. Pour des raisons plus politiques qu’économiques, Bruxelles et Berlin sont évidemment décidés à empêcher coûte que coûte une sortie de l’euro de la Grèce.
Les prochaines semaines seront décisives.
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