Censure féroce en Russie ? [par Bruno Drweski]
Par Bruno DRWESKI
De la part d'un journaliste occidental à la retraite, ancien correspondant en URSS puis en Russie
Je lis dans « Le Monde » et ailleurs qu'une censure poutinienne féroce règne dans les médias russes, "comme à l'époque soviétique". C'est ridicule : le ton, la liberté, le pluralisme, l'ouverture au monde des médias russes n'ont rien à voir avec l'époque de la chape de plomb brejnévienne.
Il se fait que j'écoute régulièrement les radios internet des plus libéraux - « Echo de Moscou » et « Radio Svoboda » - des émetteurs que l'on dit très écoutés (surtout le premier) parmi les « décideurs » et les élites moscovites. « Echo de Moscou » appartient en partie au groupe Gazprom et donne la parole à toutes les tendances de ces élites, sans doute en prenant soin de ne pas stigmatiser ni insulter le Président et tout en privilégiant l'idéologie libérale et pro-occidentale. L'une et l'autre radio, de même que la presse écrite d'opposition (papier et internet), publient des critiques souvent virulentes du pouvoir, du gouvernement.
Il existe aussi des radios nationalistes dont les critiques vont dans l'autre sens, anti-américain et anti-gouvernement russe jugé trop mou ou trop libéral. Il n'y a pas de « pensée unique » en Russie ! Et les débats russes sont souvent très riches, très longs...
Je ne parle pas, bien sûr, des radios de divertissement et exclusivement musicales qui sont légion et ont sans doute le maximum d'auditeurs. Je n'ai pas étudié le degré de crétinisation qui ne doit pas être très différent du nôtre.
Evidemment, Svoboda, financée par le Congrès des EU, est la plus ardente, on y débat régulièrement du « prochain effondrement de la Russie ». Cela dit, l'un des chroniqueurs anti-Poutine les plus radicaux de "Echo de Moscou" explique dans une interview en Allemagne (*) que ces voix d'opposition sont non pas étouffées mais tolérées pour donner l'impression au bon peuple que la liberté d'opinion existe. Et que, de toute façon, cela ne change rien à rien et ne dérange en rien l'autocratie poutinienne qui décide de tout, alors qu'aucune opposition n'existe.
Bien entendu, les chaînes télé sont sous contrôle du Kremlin, et c'est moins une censure administrative d'ancien style qui y règne qu'une censure économique et surtout une "autocensure". La situation n'est pas là même dans les régions où les médias publics, peu nombreux, sont "aux ordres" des administrations locales. Certains sujets sont périlleux, comme la Tchétchénie, on songe à l'influence et à l'impunité de la bande à Kadyrov, qui inspire la peur.
Sans oublier que des serviteurs appliqués du régime en rajoutent plus qu'on ne leur en demande !
JMC
(*) Il s'agit de "Evreiskie Panorama", le Panorama juif, en langue russe, un journal très copieux et très intéressant, qui malmène le pouvoir russe tout en soutenant le pouvoir ukrainien, dénonce les politiques migratoires de l'Europe et "l'invasion musulmane", "l'antisémitisme en hausse partout", et défend la politique israélienne à 150%.
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