PRIMAIRE(S) [par Jean-Paul Brighelli]
Cette histoire de primaires, à droite et à gauche, a quelque chose de bizarre (vous avez dit bizarre ?…)
Vous imaginez De Gaulle (ou Mitterrand) passer par des « primaires » qui les auraient mis au niveau de Jean Lecanuet pour l’un, de Gaston Defferre pour l’autre ? Pff…
D’autant que l’identité des votants pose également problème.
À droite, il vous suffira de jurer, croix de bois, croix de fer, croix de Lorraine, que vous partagez les valeurs des « Républicains ». Au PS, on ne sait pas, mais quel moyen de départager les libéraux de droite et les libéraux de gauche ?
Alors, les uns et les autres battent le rappel des adversaires. Ainsi, le PS va, paraît-il, voter à droite pour — pour qui, d’ailleurs ? S’ils veulent que leur candidat, quel qu’il soit, ait une quelconque chance, ils ne peuvent pas aller voter pour Juppé, qui les laminera au nom de la social-démocratie.
Le PS irait-il jusqu’à voter pour Sarkozy ? Hmm…
Et les amis de Marine, hein, pour qui voteront-ils, s’ils vont voter ?
Heu… Prenables à qui, sinon au PS ? Hé, les socialo-bobos, vous allez vraiment voter pour Juppé, aux primaires ? Il y a des masos qui se perdent.
En fait, les frontistes et assimilés (30% de la population, quand même) devraient voter massivement pour Sarkozy chez les Républicains, et pour Hollande chez les autres.
Si c’est Sarkozy qui représente la droite « classique » (enfin, la droite institutionnelle), nombre d’électeurs « de gauche » n’iront pas au second tour, dans l’hypothèse où il y serait.
Mais il n’y sera pas : Bayrou, candidat déclaré dans ce cas, lui piquera 12 ou 13% des voix nécessaires pour être là.
Restera un face-à-face fascinant, Marine Le Pen contre François Hollande (ou Montebourg). Quant à Mélenchon, ses copains du PC s’occupent activement à lui savonner la planche de façon à conserver trois postes de députés par ci par là. Grand bien leur fasse. L’ex « parti des fusillés » se tire une balle.
Sarkozy est détesté. À la rigueur, on peut remonter la haine, comme on remonte un col.
Hollande est méprisé : et ça, ça ne se remonte pas — c’est une interminable descente.
Dans un duel Hollande / Le Pen, bien malin qui dira pour qui voteront les électeurs de droite, ceux qui avaient voté pour Sarko, aujourd’hui bien plus à droite que Marine. Enfin, pas si malin que ça : c’est évident.
Dans un duel Sarkozy / Le Pen, bien malin, etc. — mais non : les électeurs de gauche iront à la pêche. Et les 30% du premier tour feront 51% des votants au second.
C’est là que la social-démocratie sort Macron de son sac à malices — et de son portefeuille. Il est socialo-compatible (heu… pas avec Gérard Filoche, mais il n’y a plus que Filoche qui soit de gauche, rue de Solférino), il est centro-centré, européano-flexible, souriant comme un second Lecanuet qui se voulait un second Kennedy, rappelez-vous. Si j’étais ambitieux, je me rapprocherais de Macron — d’autant qu’il n’a aucun programme Education, pour le moment. À moins que son épouse ne lui souffle les bons choix.
Il a annoncé officiellement sa candidature mercredi : je prends les paris qu’il se présentera directement, sans passer par la case « primaires ». Il a manifestement les ressources financières (d’où lui viennent-elles ? Poser la question, c’est y répondre : il est le candidat des banques qui l’ont nourri, des patrons qui lui ont souri) pour faire une campagne autonome.
Mais je ne suis pas ambitieux — pas à ce point. Je vais voter Dupont-Aignan, sans états d’âme, et puis on verra bien : ce sera un plaisir d’observer cette apocalypse molle.
Parce qu’après les présidentielles, il y aura le troisième tour, aux législatives ; et peut-être bien un quatrième, dans la rue.
On n’a pas fini de rire.
Le 16 novembre 2016
Jean-Paul Brighelli, enseignant et essayiste français
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