ÉQUIPEMENTIERS AUTOMOBILES : L'HÉCATOMBE CONTINUE !
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Les groupes sont engagés dans un bras de fer avec les constructeurs sur les réductions de coûts, tandis qu’ils compriment leurs effectifs et multiplient les fermetures d’usine.
- Près de Tours (Indre-et-Loire), le fabricant de garnitures Pullflex (56 salariés) a annoncé en juin à ses équipes la fermeture du site.
- A côté de Châteauroux (Indre), le producteur de jantes Imperiales Wheels s’apprête lui aussi à cesser la production (180 salariés).
- A Gournay-en-Brie (Seine-Maritime), le fabricant d’airbags suédo-américain Autoliv compte supprimer 55 emplois salariés et 24 postes d’intérimaires d’ici à la fin de l’année.
- A Mondeville (Calvados), c’est l’usine Bosch qui doit fermer ses portes en juin 2026, laissant 400 personnes sur le carreau.
Sur la plate-forme Florange Opportunités, qui met en relation « cédant et acquéreur de sites industriels dans le cadre d’opérations de mises en œuvre de la loi Florange », plusieurs annonces concernent des reprises d’usine. Par exemple, celle de l’équipementier Bosch à Marignier (Haute-Savoie). Selon l’annonce, « le site bénéficie de l’expérience des 141 salariés, rompus aux impératifs de qualité du secteur automobile » qui ont déjà « opéré une diversification (…) permettant de l’adapter rapidement à d’autres activités ».
Autre site « Florange » dans le secteur automobile, celui de Saint-Rémy-de-Maurienne (Savoie) du groupe Johnson Electric, avec « pont roulant de dix tonnes, transformateur, compresseurs » et 54 salariés.
Mouvement de déstockage mondial !
Chez les équipementiers automobiles, pas une semaine ne passe en effet sans une mauvaise nouvelle sur le front de l’emploi. Depuis le début de l’année 2024, les liquidations (MA France) ou des réductions d’effectifs se multiplient : Nidec, EFI Automotive, Flabeg, Mahle, ZF mais aussi chez Forvia et Valeo. En début d’année, ce dernier a dû revoir à la baisse ses prévisions de croissance.
S&P Global Mobility (S&P), la référence du secteur, évalue, en effet, la production automobile mondiale à 90,3 millions de voitures en 2023, et ne prévoit presque pas de croissance cette année (entre 0 et 1 %), à peine plus l’an prochain ou en 2026 (entre 0 et 2 % pour chacun de ces deux exercices). Les ventes de voitures ont certes progressé de 5 % au premier trimestre, tirées par la Chine et l’Europe, mais sans effet sur la production globale.
Le mouvement de déstockage mondial n’est sans doute pas terminé : S&P insiste en effet « sur la croissance rapide des stocks de véhicules chinois dans les ports européens ». Pour ses experts, l’expansion chinoise est ralentie par « le déficit de logistique » pour écouler les véhicules. Les droits de douane fixés par l'Europe freineront l’offensive sans l’arrêter. Pas de croissance et une guerre des prix annoncée, les équipementiers serrent les boulons.
Le cabinet de conseil AlixPartners n’est pas plus optimiste. D’ici à 2030, il estime que la croissance mondiale des ventes de voitures particulières sera limitée à 2,2 % l’an et concentrée en Chine, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. « La Chine est la seule région du monde qui gardera une croissance supérieure au rattrapage post-Covid. En Europe, d’ici à 2030, la croissance du marché sera inférieure à 1 % et surtout tirée par les ventes en Europe de l’Est ou dans les pays qui subventionnent le passage à l’électrique, comme la France. »
A cela s’ajoute une incertitude forte : la transition vers la mobilité sans émission de carbone se passe moins vite que prévu. Le cabinet de conseil s’attend à un report de l’échéance d’interdiction de vente des voitures à moteurs thermique en 2035 en Europe. S&P Global Mobility, de son côté, constate que cela donne un coup de pouce aux constructeurs et équipementiers qui ont une offre de moteurs hybrides.
Faible croissance du marché européen !
Cet environnement instable rend la navigation difficile dans un monde où le passage à l’électrique et à des véhicules de plus en plus construits autour des logiciels et de l’électronique embarquée impose d’accélérer les investissements en recherche et développement et les acquisitions. Les équipementiers de taille mondiale, comme Valeo, Forvia, OPMobility (ex-Plastic Omnium) ou l'allemand ZF « sont donc limités dans leur capacité à faire baisser ces coûts », indique S&P Global Mobility. Ils ont fait des acquisitions pour rester en pointe, ce qui pèse sur leur endettement.
Pour AlixPartners, une autre donnée complique l’équation : la faible croissance du marché européen « va être captée par les constructeurs chinois, qui imposent un nouveau modèle au monde automobile ». Tout d’abord, ils sont beaucoup plus intégrés verticalement que les européens. Pour produire sa berline haut de gamme Seal, BYD produit lui-même 75 % des composants, Tesla pour la Model 3, en produit 45 %, Volkswagen pour son ID 3, 35 % seulement, selon les estimations d’AlixPartners.
Ensuite, lorsque les constructeurs chinois achètent une pièce ou une partie du véhicule, « ils ont en général deux fournisseurs qu’ils mettent en concurrence ». Cette intégration verticale et cette pression sur leurs partenaires industriels expliquent leur coût de revient inférieur de 30 % à celui des européens. La rentabilité des équipementiers automobiles en Chine n’est donc pas meilleure qu’en Europe ou aux Etats-Unis.
Le seul gagnant est le capitalisme mondial qui se restructure pour plus de profits, et ce sont les populations qui paient le prix fort.
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