La lutte contre la vie chère en MARTINIQUE
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Depuis le 1er septembre dernier, un puissant mouvement contre la vie chère secoue la Martinique, à l’initiative du « Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens » (RPPRAC). Il a pris la forme de manifestations, de grèves et de barrages très militants.
Quinze ans après le grand mouvement de 2009 contre le chômage, la misère et la vie chère en Guyane et dans les Antilles françaises, rien n’est réglé. En Martinique, l’écart des prix avec la métropole est de 14 %, alors qu’il était de 10 % en 2010. Encore n’est-ce là qu’une moyenne : pour les produits de première nécessité, et en particulier les produits alimentaires, l’écart est de 40 %, en moyenne.
Double peine
Aude Goussard, une dirigeante du RPPRAC, explique : « Aujourd’hui, une mère de famille martiniquaise avec deux enfants achète 8 steaks pour 18 euros. Tandis qu’à Paris, une mère de famille avec deux enfants dans le même hypermarché achète une boîte de 10 steaks pour 8 euros. Il y a une urgence alimentaire. On ne mange plus à notre faim chez nous. »
Sur 15 produits sélectionnés au sein d’un panier de courses d’appoint, l’écart atteint plus de 65 % : cela coûte 95 euros en Martinique, contre 57 euros en métropole.
Les produits alimentaires sont loin d’être les seuls en cause. Internet, les loisirs, la culture, le logement, la santé, etc. : quasiment tous les secteurs sont concernés, dans un contexte où le taux de pauvreté (27 %) est près de deux fois supérieur à celui de la métropole, selon l’Insee. 11 % de la population martiniquaise est au chômage, officiellement. Le revenu médian y est de 1647 euros par mois, contre 1916 euros en métropole.
La contradiction est criante et explosive : les travailleurs martiniquais sont encore plus pauvres que la masse des travailleurs de métropole, mais doivent payer encore plus cher – et même beaucoup plus – leurs biens de première nécessité.
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La lutte contre la vie chère en Martinique
Depuis le 1 er septembre dernier, un puissant mouvement contre la vie chère secoue la Martinique, à l'initiative du " Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens "
Une interview de Maître Georges-Emmanuel Germany, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Martinique
Après la levée du couvre-feu en Martinique, la tension persiste sur l’île, a confié , dans une interview, maître Georges-Emmanuel Germany, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Martinique. Selon lui, la Martinique se bat contre la colonisation de la France qui traite les territoires d’outre-mer autrement que la métropole.
Question : La décision de lever le couvre-feu en Martinique n’arrive-t-elle pas trop tôt ? Est-ce qu’il y a un risque que les émeutes reprennent ?
Maître Georges-Emmanuel Germany, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Martinique : Il y a dans le pays une tension qui est palpable après la signature de ce pacte d'engagement entre les puissances de la distribution et les politiques, mais sans les initiateurs du mouvement social, il y a un fort sentiment de frustration, d'autant que concrètement dans la vie de tous les jours non seulement les prix n'ont pas baissé mais ils augmentent. Donc, cette tension est d'autant plus palpable qu'il ne se passe rien. Il n'y a pas d'incendies, il n'y a pas de pillages, il n'y a pas de mobilisation, il n'y a pas de barrages, il n'y a pas de blocages, il n'y a même pas de grèves. Il y a juste cette idée que les représentants du mouvement sont partis à Paris dans l'espoir de rencontrer le gouvernement, le ministre des Outre-mer. Et on a le sentiment, on a presque la conviction que la porte restera fermée et que le gouvernement ne recevra pas, et que le ministre des Outre-mer, comme il l'a annoncé, viendra en Martinique à la mi-novembre mais ne considérera pas les représentants du mouvement social comme des interlocuteurs valables, contrairement d'ailleurs au préfet et à nos élus et même aux représentants de la grande distribution qui, même s'ils n'ont pas signé d'accord avec eux, ont accepté de discuter avec eux.
Question : La métropole est-elle en mesure de proposer une résolution adéquate de ce problème compte tenu de l’impasse budgétaire à l'Assemblée ?
Maître Georges-Emmanuel Germany : Le mot métropole est à bannir puisque nous nous battons contre la colonisation, donc c'est pour mettre fin au concept même de métropole. Aujourd'hui, en France, il y a une méconnaissance de ce qu'on appelle les Outre-mer, qui sont les pays des océans, les anciennes colonies que nous sommes. En effet, par exemple, l'argent qu'on dépense pour la Corse, qui est tout près de la France, c'est 300 millions pour la continuité territoriale. C'est-à-dire pour le transport des personnes et des marchandises. Alors que pour nous, pour la même population ici en Martinique, on ne touche même pas 10 millions. Donc, entre 300 millions et 10 millions, on voit bien qu'il y a de quoi nourrir le sentiment d'inégalité et cette inégalité se renforce lorsque l'État sert une prime de vie chère à ses fonctionnaires mais que pour ce qui est des personnes qui vivent des minima sociaux ou des salariés du privé, l'État ne donne rien. Ce qui nourrit une pauvreté incroyable qui touche près de la moitié de la population.
Alors, que faire ? Quelles solutions proposer pour lutter contre la pauvreté ? Il faut de l'argent nécessairement, il faut du travail et aujourd'hui on s'oriente plutôt vers des lois sociales des lois économiques d'austérité, où on va faire des économies encore et encore, où nos collectivités vont toucher moins d'argent dans leurs dotations où les sommes allouées au ministère de l'Outre-mer vont être diminuées. Donc, on a vraiment le sentiment qu'en France, on fait le contraire de ce qu'il faut faire.
PT