La LETTRE de Philippe Arnaud [datée du 11 février 2024]
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Remarques sur les médias du 4 février 2025 (rédigées le 11 février)
Chers tous,
La date indiquée est celle où Donald Trump a déclaré que les États-Unis avaient l'intention de prendre le contrôle de la bande de Gaza, d'en nettoyer les ruines et d'en faire la "Côte d'Azur du Proche-Orient". Corrélativement, la population gazaouie était fermement invitée à déménager vers l’Égypte, la Jordanie (ou vers n'importe quel État de la péninsule arabique - ou le Maroc). Et ces États étaient tout aussi fermement invités à accepter les réfugiés - sauf à se voir privés de crédits et de soutien diplomatique.
1. La plupart des médias ont néanmoins omis d'opérer un rapprochement, pourtant évident : celui de la Déclaration Balfour, du 2 novembre 1917. Par cette déclaration, lord Balfour, ministre des Affaires étrangères britannique, écrivait à lord Lionel Walter Rotschild, membre de la chambre haute, banquier et sioniste, que le Royaume-Uni se déclarait en faveur de la création d'un Foyer national juif en Palestine (alors que la guerre allait encore faire rage pendant un an).
2. Quel rapport y a-t-il entre la déclaration Balfour de novembre 1917 et la déclaration Trump de février 2025 ? Ceci : toutes les deux ont été le fait d'hommes politiques anglo-saxons, exerçant, chacun en leur temps, une domination politique, stratégique et militaire sur le monde. La Grande-Bretagne, conjointement avec la France, les États-Unis et l'Italie, figurait parmi les vainqueurs de la Première Guerre mondiale et régnait toujours sur les mers et sur le plus vaste empire colonial. Avec toutefois une grosse différence : pour une population légèrement supérieure à celle de la France, le Royaume-Uni avait eu 700 000 morts de moins que la France et son territoire n'avait été ni occupé ni ravagé. [Les combats terrestres avaient eu lieu en France, pas en Grande-Bretagne].
3. Autre similitude : en 1917, lord Balfour avait pris une décision sur un territoire qui ne lui appartenait nullement : la Palestine faisait toujours partie, officiellement, de l'empire ottoman, et ce jusqu'à la défaite de ce dernier. De même, en 2025, le territoire de Gaza (ou la Palestine en général) n'appartient nullement aux États-Unis : aucun traité, aucune décision de l'ONU ne leur en a accordé la souveraineté.
4. Dernière similitude, et pas la moindre : en 1919, lors des traités dits de Versailles (également signés à Saint-Germain-en-Laye, Trianon, Neuilly et Sèvres avec les autres vaincus de la guerre), les vainqueurs alliés s'étaient appuyés sur le principe des nationalités pour permettre aux Polonais, Hongrois, Roumains, Tchèques, Slovaques, Slovènes, Croates, Serbes, de créer leurs États nationaux. Mais, surtout, pour démembrer ou amoindrir l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, l'empire ottoman... et la Russie. En revanche, les Alliés n'avaient pas du tout demandé aux Arabes de Palestine ce qu'ils pensaient de l'établissement d'un Foyer national juif sur leurs terres. De même, en 2025, Donald Trump n'a aucunement demandé aux Palestiniens (ni à l'OLP ni au Hamas), ou aux États arabes alliés des États-Unis (Égypte, Jordanie, Arabie saoudite, Maroc...) ce qu'ils pensaient de cette nouvelle Nakba...
5. Dernier rapprochement. Dans l'idée de Donald Trump, la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis pourrait être le prélude (ou la contrepartie) d'une annexion complète de la Cisjordanie par Israël. Comme, en 1938, après que le chef de meute allemand eut dévoré la meilleure part de la Tchécoslovaquie, les prédateurs secondaires polonais et hongrois se sont jetés sur les bas morceaux à leur portée (région de Teschen, sud de la Slovaquie et Ruthénie) du pays d'Edouard Benes...
Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, compléments et critiques.
Bien à vous
Philippe Arnaud,
Amis du Monde Diplomatique
Tours