Vincent Jarousseau : « Il y a, dans cette France qui vote RN, un besoin de fraternité très fort. »
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Par Pierre Joigneaux - Le 18/03/2025
Déjà lauréat de plusieurs prix, le photojournaliste Vincent Jarousseau vient de publier Dans les âmes et les urnes - dix ans à la rencontre de la France qui vote RN (Les Arènes). Dix années sur le terrain, dans des coins où la gauche va si peu : à Denain et Fourmies, dans le Nord, à Beaucaire, dans le Gard, à Hayange, en Moselle, et à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Des enseignements précieux sur les causes, multiples, du vote Rassemblement national (RN). Il nous raconte sa démarche, et les enseignements qu’il tire de ses reportages.
Fakir : Tu as passé dix ans à suivre des électrices et électeurs du RN, à les écouter, ce qui est plutôt rare... Tu peux nous présenter ta démarche ?
Vincent Jarousseau : Qui va écouter les électeurs RN ? Qui va passer du temps avec eux ? Ma démarche a été sur le temps long : passer une journée entière au moins avec une famille, puis y retourner sur plusieurs années, parfois quatre jours, parfois une semaine, à suivre une personne, aller au boulot avec elle, partager son quotidien. Ma démarche, c’est de raconter leurs histoires, leurs parcours de vie, leurs quotidiens, leurs débrouilles. Ce n’est pas une enquête de terrain, je ne suis pas sociologue, je n’anonymise pas, mais je vais écouter les gens.
Fakir : Entrons dans le vif du sujet : quelles sont les causes du vote RN pour toi, les raisons qui ressortent le plus de ces années sur le terrain ?
Vincent Jarousseau : Elles sont multiples. D’abord, un sentiment général de déclassement, et pas que personnel : un déclassement du pays. Un pays en panne. Une panne à laquelle les partis traditionnels sont incapables d’apporter des réponses. C’est le fameux « UMPS » de Marine Le Pen, qui a si bien marché. « Les politiques ? Tous les mêmes », on entend. Ensuite, et c’est lié au dégoût croissant des partis traditionnels, il y a l’abandon et la dépolitisation de la question économique et sociale, qui occupe beaucoup moins le débat qu’avant. Le discours des électeurs RN est souvent proche de celui des abstentionnistes, dégoûtés par les politiques, les trahisons de la gauche comme de la droite. « Le seul parti qui n’a pas été au pouvoir, qu’on a jamais essayé. » L’atomisation du travail joue aussi beaucoup, énormément, dans le vote RN. C’est le cas pour beaucoup de gens seuls.
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