QUEL ÉQUILIBRE POLITIQUE AU PROCHE ET MOYEN-ORIENT ?
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Pourquoi les pays du golfe Persique ne veulent pas entrer en guerre avec l’Iran selon Guévorg Mirzaïan, maître de conférences au département de science politique à l’Université des Finances de Moscou.
Le Proche-Orient continue à chercher son équilibre au seuil d’une grande guerre :une agression des États-Unis et d’Israël contre l’Iran. Certes, le 12 avril devraient se tenir des négociations américano-iraniennes pour sortir tout le monde de la crise, mais les chances de succès sont minces. Washington exige en effet de Téhéran non seulement de renoncer à la création d’une bombe nucléaire (ce que la République islamique a depuis longtemps accepté) et à son programme nucléaire dans son intégralité (ce que les Iraniens pourraient, en théorie et à la condition d’importantes concessions réciproques, accepter) mais aussi tout un ensemble de concessions en matière de politique étrangère.
Dans son ultimatum de mars, Donald Trump parlait, par exemple, de couper l’aide iranienne aux groupements militaires au Proche-Orient — ce qu’on appelle l’axe de la résistance, créé pour s’opposer à Israël, mais qui est en fait un outil d’influence iranienne sur les affaires du Proche-Orient. Il s’agit là de quelque chose d’inacceptable pour l’Iran. Et pas pour des raisons idéologiques. Les milices irakiennes, le Hamas, le Hezbollah, les Houthis yéménites sont en quelque sorte des avant-postes, des outils indispensables pour assurer la sécurité de l’Iran sur ses lignes avancées.
Bien sûr, en théorie on pourrait supposer que Trump n’insistera pas sur cette demande, que cette exigence y figure pour que, pendant les négociations, le président Trump puisse l’échanger éventuellement contre une autre concession de la part de Téhéran. Pourtant un tel scénario est peu probable.
En fait les États-Unis et Israël estiment que la République islamique est aujourd’hui dans un état d’affaiblissement maximum depuis ces 40 dernières années. Le pays connaît une crise économique systémique, « l’axe de la résistance » s’effondre (le Hamas et le Hezbollah ont été sérieusement affaiblis par Israël et la Syrie a été envahie par des radicaux pro-turcs), le clivage entre les conservateurs et les partisans du rétablissement des relations avec l’Occident s’accentue dans la société et au sein du gouvernement. Enfin, les élites vivent dans l’attente de graves perturbations politiques internes dues au départ attendu du guide suprême du pays, Ali Khamenei.
C’est donc le moment idéal pour obtenir un maximum de concessions de l’Iran et/ou de mener une opération militaire contre lui. C’est une chance unique pour Israël d’assurer sa sécurité (dont la principale menace, selon Tel-Aviv, vient de Téhéran) et pour les États-Unis d’éliminer la variable iranienne hostile dansl’équation du Proche-Orient.
Toutefois, le problème des États-Unis et d’Israël est que leur enthousiasme n’est pas partagé par d’autres acteurs. Il ne s’agit pas seulement de grandes puissances comme la Russie et la Chine, mais aussi de leurs alliés. Et plus exactement des alliés clés que sont les monarchies arabes du golfe Persique.
L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar ont déjà déclaré qu’ils n’autoriseraient pas l’utilisation de bases américaines sur leur territoire pour attaquer l’Iran. Il semble qu’il ne s’agisse pas seulement d’interdire aux bombardiers de décoller d’un territoire arabe souverain et d’entrer dans l’espace aérien des pays du Golfe mais aussi de toute opération de soutien, y compris les vols d’avions de reconnaissance et de ravitaillement.
On peut comprendre les Arabes. Les Iraniens ont déjà déclaré qu’ils considéreraient toute aide aux États-Unis venant de n’importe quel pays comme une participation directe à cette attaque, et que tous les participants deviendraient des cibles pour les missiles iraniens capables de frapper des villes et des ports arabes aussi bien que des installations gazières et pétrolières, ou des pétroliers.
Téhéran serait capable de bloquer le détroit d’Ormuz, limitant ainsi considérablement les exportations de pétrole et de gaz dans la région duProche-Orient.
Toutefois, auparavant ces menaces ne les arrêtaient pas. Il y a dix ans, la position de l’Arabie Saoudite était différente. Riyad était extrêmement mécontent de l’accord nucléaire conclu par Barack Obama avec les Iraniens. Le prince héritier et dirigeant de facto du Royaume des deux lieux saints, Mohammed bin Salmane, a cherché une alliance avec Israël pour contenir l’Iran. Contenir par la diplomatie, la menace de recours à la force ou la force si nécessaire.
Cependant, la situation a évolué ces dix dernières années. D’abord parce que les pays du Golfe ont entamé un processus de stabilisation des relations avec l’Iran(avec la médiation de la Chine), de recherche de formes de coexistence avec lui. La guerre ne représente plus le seul moyen disponible pour éliminer la menace iranienne.
Surtout dans une situation où la menace n’est plus existentielle, c’est-à-dire une menace dont l’élimination justifie n’importe quel coût. Le champ d’action de l’Iran s’est brusquement réduit, en raison d’un affaiblissement général et d’une série de défaites subis par l’Iran sur les fronts extérieurs. La dépendance croissante de l’Iran à l’égard de la Russie et de la Chine — amis et partenaires des pays arabes — rend possible la participation de Téhéran, aux côtés [des pays arabes], à différents formats d’intégration. Par exemple, les BRICS que les Iraniens ont rejoint avec les Émirats arabes unis.
Cette dépendance est aussi une sorte de garantie que lors d’une éventuelle guerre avec les Américains, l’Iran prendra en compte les intérêts des pays arabes (s’ils ne l’attaquent pas, bien sûr). Par exemple, techniquement, il peut bloquer le détroitd’Ormuz, mais il serait difficile de prendre une telle décision politique. La Chine (qui reçoit du pétrole de l’Arabie saoudite) est catégoriquement opposée au blocus et si les Arabes ne provoquent pas les Iraniens, ces derniers n’auront tout simplement rien à objecter à leurs alliés de l’Empire céleste.
Oui, au final, les États-Unis gagnent en partie grâce à la volonté des Arabes de rester en dehors de la mêlée. Ils privent l’Iran de la possibilité de lancer un certain nombre de ripostes les plus douloureuses (blocus, destruction des infrastructures pétrolières du Golfe). Mais d’un autre côté, les États-Unis eux-mêmes sont privés de leurs têtes de pont les plus importantes pour frapper les Iraniens. Ils devront compter sur des avant-postes éloignés (la base sur l’archipel des Chagos, à 5 000 kilomètres de l’Iran), ainsi que sur leurs groupes de porte-avions qui deviendraient une cible de prédilection pour les missiles iraniens.
SOURCE : Presse internationale
Premiers échanges Iran–États-Unis jugés «constructifs», une nouvelle rencontre annoncée
À l’issue d’une première rencontre diplomatique à Mascate, le 12 avril, Iraniens et Américains ont qualifié les négociations de constructives, affichant une volonté commune de tenir une seconde rencontre prévue dans une semaine. Il s’agit là de leur premier échange diplomatique depuis des années autour du programme nucléaire iranien.
Sept ans après le rétablissement des sanctions américaines contre l’Iran, conséquence de la décision du président Trump – lors de son premier mandat – de se retirer de l’accord de 2015, les délégations diplomatiques des deux pays se sont retrouvées le 12 avril à Mascate, capitale du sultanat d’Oman.
Les pourparlers ont duré deux heures et demie et ont été qualifiés de « constructifs » par les deux parties. Le ministre omanais des Affaires étrangères, Badr al-Busaidi, a assuré la médiation des discussions indirectes, à l’issue desquelles les chefs des deux délégations – Steve Witkoff, envoyé spécial de la Maison Blanche au Moyen-Orient, et Abbas Araghtchi, ministre iranien des Affaires étrangères – ont eu un bref entretien direct.
Un premier tour constructif pour l’Iran
Dans une déclaration à la presse iranienne à l’issue des négociations, le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghtchi, a qualifié ce premier tour de négociations de « constructif », mené dans une « atmosphère calme et très respectueuse ».
Il a souligné que les deux parties avaient évité tout langage inapproprié et s’étaient engagées à poursuivre les discussions jusqu’à parvenir à un accord mutuellement bénéfique.
« Lors du prochain tour, nous essaierons d’entrer dans le cœur de l’agenda des négociations, qui s’accompagnera bien entendu d’un calendrier », a-t-il ajouté, exprimant l’espoir que les deux parties puissent finaliser un plan permettant d’entamer rapidement de « véritables discussions ».
Pour Trump, les négociations « se passent plutôt bien »
Le président américain Donald Trump a commenté cette première rencontre en déclarant, à bord d’Air Force One, que les discussions avec Téhéran se passaient « plutôt bien ».
Un communiqué de presse publié par la Maison Blanche évoque des « discussions positives et constructives ». Washington remercie le sultanat d’Oman pour sa médiation avec l’Iran et souligne que l’échange direct entre Araghtchi et Witkoff constitue un pas en avant.
La Maison Blanche rappelle que l’envoyé spécial au Moyen-Orient, Steve Witkoff, avait reçu pour instruction de résoudre les différends avec l’Iran par le dialogue et la diplomatie, si cela est possible.
Oman, possible hôte du second round des négociations
Sur X, le ministre omanais des Affaires étrangères, Badr al-Busaidi, a réaffirmé la volonté de son pays de continuer à collaborer avec les Américains et les Iraniens pour parvenir à un accord équitable pour les deux parties. Il a également évoqué l'atmosphère amicale et propice au rapprochement des points de vue dans laquelle se sont tenus les pourparlers irano-américains.
De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, a fait savoir qu’Oman continuerait à jouer son rôle de médiateur lors des prochaines négociations, qui pourraient se tenir ailleurs qu’à Mascate.
Il a ajouté que ces premiers échanges avaient permis de poser les bases des négociations à venir et qu’un travail était en cours pour définir un calendrier ainsi que l’ordre du jour des prochaines rencontres.
SOURCE : Presse internationale