Rentrée 2007: le point de vue de "Rouges vifs" Ile-de-France
SANS SURPRISE, SARKOZY DÉFEND SON CAMP
A NOUS DE RECONSTRUIRE LE NÔTRE !
Le Capital pense tenir sa revanche sur les acquis de la Libération grâce à la nocivité d’un système politique antidémocratique. Mais le monde du travail, seul créateur de richesses, n’a pas pu défendre son point de vue. Historiquement, c’est pourtant de ce côté là que se trouvent les solutions.
Comme prévu, les premières mesures, les projets annoncés du gouvernement Sarkozy/Fillon vont tous dans le sens des intérêts des plus riches et du grand patronat. Ce n’est pas une surprise. Deux ans après la victoire populaire du NON au référendum contre l’Europe capitaliste, les mécanismes institutionnels, appuyés par des médias soumis, n’autorisaient que la victoire d’un de ses représentants. Pourtant 61 % des Français se disent anticapitalistes.
C’est donc un véritable hold-up politique (Sarkozy ne représente qu’un inscrit sur quatre lors du 1er tour) qui confirme que le système institutionnel est antidémocratique car il bâillonne la véritable expression de la souveraineté populaire. La légitimité dont se targue sans arrêt Sarkozy pour justifier sa politique contraire aux intérêts du monde du travail prend là tout son sens. Hold-up, car il est scandaleux de prétendre que le peuple a voté pour de nouveaux cadeaux aux plus riches, pour des préparatifs de guerre, pour des quotas et un fichage génétique de l’immigration, pour la privatisation des universités et de GDF, pour une nouvelle dégradation du pouvoir d’achat, pour la casse des services publics, du code du travail, de la Sécu et des retraites (l’attaque contre les régimes spéciaux n’en est que le prélude) et pour la mise en cause du principal moyen d’expression et de défense des travailleurs, la grève !
« Un ensemble de réformes qui sera le plus important dans notre pays depuis la Libération » nous prévient N. Sarkozy. Ainsi l’objectif est clairement annoncé : donner au capital, discrédité par sa collaboration avec les nazis, sa revanche sur les conquêtes sociales et démocratiques qu’il avait dû concéder à l’époque. La classe ouvrière, qui avait pris une part prépondérante à la Victoire, avait alors imposé des conditions pour la reconstruction du pays et de l’économie, inventé un modèle social original basé sur deux piliers : la maîtrise publique des principaux leviers économiques du pays par la nationalisation des grandes entreprises et la mise en place du salaire socialisé pour assurer durablement à la population des conditions d’existence dignes.
Les nationalisations. Il s’agissait de doter le pays d’outils pour garantir l’indépendance de ses choix et approvisionnements. Lié au statut des entreprises, celui du personnel va ouvrir la voie à un progrès social pour l’ensemble des salariés. Mais c’est surtout le concept de nationalisation qui va donner des cauchemars au patronat par son caractère profondément anticapitaliste car il élargit l’horizon des possibles missions, du possible rôle du « service public ». Débarrassées des impératifs préalables et immédiats du Capital, les entreprises nationalisées peuvent devenir des moyens politiques concrets pour répondre aux besoins de la population.
Ainsi le capitalisme n’apparaît plus comme l’unique système possible. Cet essai d’appropriation collective des grands moyens de production et d’échange est insupportable pour ceux qui érigent le profit comme seule finalité et le marché comme seul cadre d’organisation de l’activité économique.
Le salaire socialisé. L’idée repose sur le fait que seul le travail est créateur des richesses et que sa rémunération - le salaire - doit non seulement permettre de disposer de moyens de subsistance immédiats, mais également apporter dans sa part indirecte, le financement des risques et évolutions de la vie de chacun de la naissance à la mort. Ainsi est née la cotisation sociale, constituée de cotisations payées par les salariés et du versement direct par l’employeur d’une part du salaire aux organismes sociaux (pour l’assurance maladie, le chômage, les allocations familiales et les retraites), mais également pour le financement du logement et l’activité des comités d’entreprises. C’est cela qui fait hurler de rage le patronat.
C’est au milieu des années 80 qu’il imposera de faire apparaître sur les bulletins de salaire une colonne «cotisations employeurs», baptisée depuis « charges patronales » afin de faire admettre aux salariés et aux syndicats que la part de salaire versée directement aux organismes sociaux constitue pour lui une charge, payée par lui, alors qu’il s’agit en fait d’une part du salaire.
Ainsi est né le mythe des «charges patronales». Quand le patronat obtient du pouvoir politique des exonérations de «charges», cela conduit, en fait, à une baisse du salaire global, laquelle participe au déséquilibre des régimes sociaux.
C’est particulièrement visible sur la question des retraites : ils estiment qu’ils n’ont pas à nous payer lorsque nous ne travaillons pas directement à la production de richesses dont ils tirent profits, alors que les salariés ne font que de disposer de la part de salaire qu’ils ont versé à leur régime de retraite durant toute leur vie de travail au travers de régimes solidaires et par répartition.
On comprend mieux l’acharnement des serviteurs politiques, économiques et médiatiques du capital à mettre en cause ce « modèle social français » et à vouloir nous convaincre que ces prémices d’une société anticapitaliste ne peuvent pas fonctionner dans les conditions d’aujourd’hui (on nous présente la mondialisation capitaliste comme inévitable). Pire, nos acquis historiques seraient à l’origine du chômage d’aujourd’hui.
Ainsi se développe la fable des «coûts» du travail pour culpabiliser l’ensemble des salariés alors que ce sont précisément les exigences de profit du Capital qui génèrent chômage, bas salaires, dettes de l’État et déséquilibres sociaux.
C’est pour avoir cédé sur ces idées fondamentales que les forces politiques se réclamant du monde du travail ont contribué à piéger les salariés dans un pseudo duel entre Sarkozy et Royal qui, plus qu’un échec électoral, consacre une défaite idéologique pour le monde du travail.
S’appuyant sur cette défaite, Sarkozy et son équipe « élargie » veulent donner le sentiment qu’il n’y a pas d’opposition réelle, encore moins d’alternative et que tous les projets antisociaux vont pouvoir s’appliquer sans véritable résistance. A nous tous de leur donner tort.
RÉSISTER, RIPOSTER, SURTOUT SUR LE PLAN DES IDEES
L’expérience le montre : ce n’est ni en diabolisant le nouveau pouvoir, ni en faisant appel à des valeurs vidées de leur sens et de leur contenu depuis des décennies, que la riposte indispensable aura des chances d’être victorieuse. Dans le contexte idéologique actuel, les postures exclusivement défensives ou électoralistes auront, au contraire, toutes les chances de préparer de nouvelles capitulations.
Il est urgent de re-situer clairement les enjeux et évolutions de la situation dans l’affrontement de classe entre le travail - seul producteur des richesses - et le capital - qui les confisque. Depuis 20 ans, la part des richesses créées dans le pays (PIB) revenant au travail a reculé de 10 points au profit du capital. Cela représente plus de 160 milliards par an, de quoi résorber tous les déficits qui servent de prétexte aux régressions sociales. Ouvertement, Sarkozy, président par défaut, veut organiser une nouvelle et douloureuse ponction en faveur de son camp, le Capital.
DÉBATTRE, SE RASSEMBLER ET AGIR DANS TOUS LES DOMAINES
Le monde du travail doit se faire entendre en tant que tel sur le plan politique, contester la suprématie idéologique du capital et ses mots (maux) : marché, compétitivité, droit de propriété des entreprises, coût du travail, « partenaires » sociaux,… Il doit revendiquer les acquis de ses luttes pour ce qu’ils sont : des points d’appui anticapitalistes pour construire une société socialiste du 21e siècle dont les formes restent à inventer. Dans des situations plus complexes, des peuples en Amérique Latine choisissent clairement cette voie. Enfin la bataille pour d’autres institutions politiques, réellement démocratiques et souveraines, donnant toute leur place aux seuls créateurs de toutes les richesses, devant donc décider de leur juste répartition, doit devenir également une priorité. Pour ne pas être condamnés à de perpétuels reculs quels que soient les gouvernements.
« Rouges vifs » Ile-de-France - Septembre/Octobre 2007