L' évolution réformiste de la CGT et ses conséquences
I1 va de soi, que l'orientation sur la base de laquelle une organisation syndicale mène son activité, influe sur ses analyses, ses propositions, son comportement, la démarche qui l'anime eu égard aux salariés, à leur citoyenneté et à leurs luttes.
C'est sur ce sujet que je me propose de vous entretenir, certes d'une manière lapidaire, compte tenu du temps retenu pour les interventions.
I1 n'est pas dans mes intentions de réécrire l'histoire de la CGT sur ce sujet. Organisation Syndicale créée par des travailleurs, elle a une base de lutte de classes. De ce fait, elle n'a cessé d'être l'objet de tentatives visant à infléchir son orientation. Le hasard faisant bien les choses, d'une manière plus ou moins feutrée mais progressive, de la fin des années 70 à l'après 1981, des efforts sont déployés pour l'amener de nouveau sur une orbite réformiste, autrement dit, sur une base de collaboration de classes. Rapidement, par exemple, on pourra constater que ses manuels d'Éducation Syndicale sont largement édulcorés.
Après 1990, et l'arrivée de Louis Viannet, cette évolution prend de l'ascendant
L'équipe gouvernementale Rocard, Quilès dissocie les Postes et Télécoms, privatise et filialise les secteurs postaux les plus rentables sans réelles difficultés.
Malgré un déploiement d'énergie considérable de Jacqueline Léonard, Secrétaire Confédérale, la CGT va rester inerte devant la contre-réforme des retraites Balladur, Veil de 1993 élaborée à l'automne précédent par le tandem Beregovoy, Teulade.
Avec la promotion de Bernard Thibault cette orientation (jamais annoncée comme telle) va être structurée en profondeur afin de la substituer à la CGT née de la réunification de 1934 et, d'autant plus à celle de la Libération.
Néanmoins des différences subsistent toujours avec les autres Organisations dont elle a rejoint l'orientation. I1 demeure une différence certaine entre la plupart de ses militants et ceux des autres Organisations, notamment quant à leur perception de la société dans laquelle nous vivons.
Ainsi, elle est la seule à ne pas signer des accords qui plombent les droits des salariés. Cependant sa démarche n'est pas sans conséquences sur ces résultats.
Légitimation du capitalisme
De par cette orientation réformiste, la direction de la CGT en est arrivée, à son tour, à considérer que patronat et syndicats formaient ensemble le conglomérat dit des « partenaires sociaux ». Si vous rapprochez ce qualificatif de celui d'adversaires de classe que nous employions à l'égard du patronat, vous constaterez vous-même l'inconciliabilité des deux termes.
Oui ou Non, le capitalisme est-il une société d'exploitation de l'homme par l'homme?
Oui ou Non, le capitalisme est-il une société dont le but est d'améliorer la vie de tout un chacun (travail, rémunération, santé, égalité homme femme, dignité humaine, paix etc...) ou bien plutôt une société ayant pour but de tirer le maximum de profits des richesses produites par ceux qui travaillent, comme par tous autres moyens des plus sordides, comme le révèlent, .si nécessaire les pratiques, spéculatives, types « Société Générale ».
Dépourvu de tout complexe démagogique, Nicolas Sarkozy fustige là, une dérive et prône régulation et transparence. Empruntant le premier de ces deux termes à ses actuels « principaux opposants » qui se préparent à lui laisser le champ libre pour ratifier le traité européen dans lequel il soutiendra (entre autres sujets gravissimes pour le monde du travail) que « Toute restriction au mouvement des capitaux est interdite ». N'avait- il pas proposé « que les activités libérales échappent au pénal? » De fait, depuis longtemps il a choisi son camp: Celui des nantis, du Capital Financier.
Selon certains augures, il conviendrait d'extirper du capitalisme parvenu au stade de la mondialisation le libéralisme pour le rendre plus acceptable, voire plus humain. Celui-ci n'est-il pas inhérent à sa nature profonde? Celui de papa aurait-il été un modèle? En faisant l'impasse sur nos luttes, à défaut d'interroger Marx et Engels, Victor Hugo et Emile Zola ne rapportent-ils pas les témoignages accablants de la vie effrayante qu'il a fait subir aux travailleurs et à leur famille au 19 ème siècle, dont des millions de nos concitoyens se rapprochent aujourd’hui.
Dans ce contexte, la Direction de la CGT croit pouvoir revendiquer du capitalisme: le « partage des richesses » Au-delà d'un voeu manifestement pieux, n'est ce pas légitimer le droit pour celui-ci de tirer profit de l'activité salariée.
Conséquences de cette orientation
Sauf à considérer que les salariés concernés auraient cru utile d'abandonner des éléments de leurs régimes de retraite, il n'y avait rien à négocier il ne s'agissait pas de revendications, mais de droits acquis à défendre. Pour éviter toutes manipulations ultérieures possibles, il aurait convenu de poursuivre dès au lendemain du 18 octobre, en leur suggérant de se mettre en Assemblées Générales. Seul moyen qui leur était imposé pour contraindre le gouvernement à remballer son projet, comme tel fut le cas en 1995.
Or, en recherchant la négociation à tout prix. En mettant en exergue, lors de la reprise de la lutte cette « grande avancée » que représentait l'obtention des « négociations tripartites » que Bernard Thibault leur demandait de prendre en compte « afin de préserver leurs forces et « l'unité syndicale ». Une proposition que le gouvernement avait, évidemment su prendre au rebond; il a qu'on le veuille ou non contribué à ce qui était voulu par dessus tout: en finir - jusqu’à preuve du contraire – avec les départs en retraite à 50 et 55 ans.
Si la CGT ne porte pas à priori de responsabilité dans les résultats auxquels a abouti cette négociation, au bout de laquelle le patronat a su « lâcher du lest » sur des bases prévues pour obtenir les signatures qu'il recherchait. Je dis à priori car tant que la direction de la CGT se croira autorisée à négocier sur la seule base de l'unité de sommet des Organisations Syndicales, comme en font foi toutes les négociations tenues depuis plus ou moins une dizaine d'années, les salariés accumuleront de nouveaux reculs.
Madame Parisot en redemande, n’a-t-elle pas qualifié cet accord de révolutionnaire.
Changer de coup de pelle ?
A l'aune de la répétition de ces résultats régressifs, la Direction de la CGT est elle prête changer la de conception ? On peut se poser la question.
Lorsque Maryse Dumas nous dit que « la négociation est le point cardinal des rapports des forces » alors que se profile un nouvel agenda dit - social à négocier dont les retraites, après les Municipales dans la perspective duquel, une fois de plus, les salariés sont appelés à agir... pour peser, soit comme force d'appoint sur des sujets qui les concernent directement.
Le patronat et ses serviteurs, auraient encore de beaux jours devant eux.
Certes, les négociations relèvent du rôle syndical et ne sont pas un sujet mineur. Mais le point cardinal des rapports des forces se situe dans le rassemblement et la lutte des travailleurs. Quels que soient le sujet, la revendication, le niveau où ils se posent tout doit être mis en oeuvre préalablement pour qu'ils en soient les acteurs et décideurs. La négociation ne peut être comprise que comme l'expression et l'aboutissement de la force mise dans la lutte; sinon que l'on se trouve devant un cas de force majeur.
En plein déballage de la caisse noire patronale, Bernard Thibault a écrit à Madame Parisot (ce dont elle s'est hautement félicitée) pour lui demander de bien vouloir ouvrir des négociations pour mettre en oeuvre une "véritable Démocratie Sociale débouchant. sur « de réelles négociations », les règles de représentativité... les droits et « moyens syndicaux ». Hors de tout, cette négociation est commencée. A quelle sauce tout cela va-t-il être mijoté Que demain, mes cotisations puissent être mêlées à celles du patronat, ça me parait difficile à envisager.
Néanmoins, je ne suis pas pessimiste. Nos militants cheminots, de la RATP de l'Energie, de chez « Gévelot » viennent de témoigner de leur capacité à mettre en mouvement un grand nombre de travailleurs et à animer de la meilleure façon les Assemblées Générales. C'est à partir de là que l'on sera en mesure de rectifier le tir, de redonner la force et les lettres de noblesse dont la CGT a besoin.