De l’art du vocabulaire pour travestir le sens des mots [Jean Lévy]
DE L’ART DU VOCABULAIRE POUR TRAVESTIR LE SENS DES MOTS
Par Jean LEVY
Quand Pierre Gattaz, au nom du Medef, intime l’ordre au pouvoir politique d’appliquer les objectifs patronaux en s’exprimant en ces termes : « Il faut réduire le coût du travail pour permettre aux entreprises d’être compétitives, face à la concurrence internationale – ainsi les entreprises pourront embaucher ». Et de prétendre que celles-ci n’ont pour objet que de résoudre le chômage …!
Quand il ajoute qu’il est nécessaire « s’assainir les dépenses publiques, afin d’assurer un budget en équilibre », les propos du patron des patrons, du fait des mots employés, semblent marqués au coin du bon sens.
Mais si Pierre Gattaz parlait comme vous ou moi, cela donnerait :
« Pour augmenter les profits des dirigeants d’entreprises et les dividendes des actionnaires, il faut diminuer les salaires, la durée des congés, supprimer les acquis sociaux, faire des coupes sombres dans le budget de la santé, de l’éducation, du logement, réduire, voire supprimer les indemnités chômage et les prestations de la Sécurité sociale », nul doute, que cela mettrait le pays en révolution.
Quand Pierre Gattaz ajoute qu’il est nécessaire « d’alléger les charges patronales » en supprimant les « lourdeurs administratives, qui entravent la bonne gestion des entreprises », qui réclamerait le maintien de ces lourdeurs?
Mais si Pierre Gattaz exprimait ouvertement « le droit pour les patrons de licencier selon leur bon plaisir, sans recours aux Prud’hommes », s’il revendiquait sans fard « la suppression des de l’Inspection du Travail, des délégués du Personnel et des Comités d’Entreprise », la colère ouvrière déferlerait.
Même Moscovici semblerait offusqué de telles prétentions…
C’est pourquoi le patronat, le Medef, Pierre Gattaz en leur nom, utilisent un vocabulaire tronqué pour travestir la réalité, tromper les salariés, permettre au gouvernement « socialiste » de prendre en compte de si nobles aspirations dans le but de conjurer la crise…
Et tel Monsieur Loyal face au clown Auguste, François Hollande et ses ministres font mine d’y croire, ajoutant leur autorité comme gage du bien fondé langage patronal.
C’est pourquoi, à la télé comme à la radio, les responsables de l’Information et les présentateurs obséquieux présentent l’actualité sociale et le programme du Medef avec le faux nez du vocabulaire patronal. Comme s’il s’agissait de telles évidences que nul esprit sérieux n’oserait mettre en doute. Dans cet exercice quotidien, les propagandistes habillés en journalistes s'en réfèrent aux « experts », qui tels des prestidigitateurs de profession, font disparaître la réalité dans le tréfonds de leur chapeau, en y sortant le lapin blanc estampillé Médef, devant un public subjugué par cette métamorphose.
Mais ce discours passe de moins en moins. Les faits sont têtus. Les gens pensent « cause toujours ». L’expérience leur montre qu’un dividende est un dividende et que le discours de Pierre Gattaz ne va pas le changer en salaire.
Le jeu de bonneteau à fait long feu.
Mais pour faire croire à l’incroyable, pourquoi ne pas utiliser l’impensable match de qualification de l’équipe de France de football – trois à zéro – non seulement comme un dérivatif bien venu dans ce climat morose, mais comme un exemple fou à faire rêver sur le plan social…
JL.