« On n’en peut plus ! » [Editorial d’INFORMATIONS OUVRIERES]
On n’en peut plus
L’EDITORIAL d’INFORMATIONS OUVRIERES
par Daniel Gluckstein,
Secrétaire national du POI.
Dans cette grande ville de banlieue parisienne, plus de 90 % des enseignants du primaire ont fait grève le 14 novembre, à l’appel de tous les syndicats, contre l’application de la réforme Peillon.
Le lendemain : cette mère de famille s’apprête à répondre à l’appel lancé par les syndicats et les associations de parents à se rendre en masse à la mairie le 21 novembre pour exiger la non-application de la réforme à la rentrée 2014. Le maire de la commune voisine vient de prendre cette décision. « Alors pourquoi cela ne serait-il pas possible chez nous ? Il faut rassembler la force et on l’imposera. »
L’une de ses voisines en sera également : « Pourquoi casser ce qui marche bien, l’école de nos enfants ? » De cette « école des territoires » — dénoncée par le tract local du Parti ouvrier indépendant appelant les parents à soutenir les enseignants —, elle ne veut pas entendre parler. Dans cette cité où la population est, comme elle, majoritairement issue de l’immigration, on ne veut pas d’une école soumise aux élus politiques et aux associations en tous genres qui enfermerait les enfants dans des ghettos et des « communautés » (1).
A 500 kilomètres de là, dialogue entre deux élus locaux. L’un défend la réforme Peillon dont les rythmes scolaires seraient « bons pour les enfants ». « Ce qui est bon pour les enfants, c’est la République », lui rétorque son collègue, membre du POI.
C’est la question du gouvernement qui est posée ici, car c’est lui qui multiplie les mesures et contre-réformes visant à disloquer la République et la démocratie dans le cadre de « l’Europe des régions ».
Retour à cette mère de famille, salariée dans la santé, syndiquée, partie prenante des initiatives FO et CGT sur les retraites. Au-delà des rythmes scolaires, elle explique : « On n’en peut plus. Le gouvernement nous attaque par tous les bouts. On voudrait simplement vivre normalement, pouvoir acheter de quoi nourrir nos enfants sans être obligé de comparer les prix, acheter des vêtements, payer le loyer… mais on ne peut plus. Il faudrait une manifestation de tous sur toutes ces questions car nous sommes tous concernés. Bien sûr, aller à la mairie… mais on ne s’en sortira pas seulement ville par ville, c’est au gouvernement qu’il faut aller. »
Dans tous les domaines, le gouvernement veut plier la population aux diktats de l’Union européenne et de la classe capitaliste. Il prétend le faire parce qu’il bénéficie du soutien des partis de « gauche », y compris du « Front de gauche » qui critique… mais s’empresse de s’allier à lui pour les municipales. Il prétend le faire parce qu’il bénéficie de l’appui de ceux qui mettent le doigt dans l’engrenage des pactes sociaux (au plan national ou « régional »), des tables rondes, et autres états généraux qui visent à intégrer les organisations à la destruction des droits.
Mais dans les cités ouvrières et populaires, dans les bassins industriels, dans les usines, les bureaux, les écoles, mûrit la recherche d’un mouvement d’ensemble contre le gouvernement ; un mouvement par lequel la population ouvrière des villes et des campagnes, unie avec ses organisations, se donnera les moyens de faire plier le gouvernement. Nul ne peut prétendre parler au nom des intérêts ouvriers s’il ne se situe pas clairement de ce côté-là.
(1) La circulaire ministérielle 2013-036 précise que le « projet éducatif territorial » peut couvrir « l’ensemble des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, de l’école maternelle à l’université » et que les collectivités territoriales, les associations et institutions participent à sa définition.