ORWELL : HÉROS OU SALAUD ? avec Annie Lacroix-Riz [Café Marxiste samedi 12 octobre 2024]
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CAFÉ MARXISTE : Faut-il continuer à honorer George Orwell en héros de la démocratie contre le totalitarisme ?
Samedi 12 octobre 2024, café Royal Est, 129, rue du Faubourg Saint-Martin, 75010, Paris, métro Gare de l’Est
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université de Paris (Paris VII-Denis Diderot), a notamment publié : La non-épuration en France (1943-années 1950), Paris, Dunod-Armand Colin, 2019, édition poche, 2023 ; Les origines du Plan Marshall, Paris, Dunod-Armand Colin, 2023 ; Le choix de la défaite Paris, Dunod-Armand Colin, édition poche, 2024 (réédition augmentée) ; à paraître, avril 2025, Industriels et banquiers français sous l’Occupation (réédition augmentée)
Depuis la fin des années 1940, « l’Occident », toutes composantes réunies, traite le romancier britannique George Orwell en démocrate exemplaire, entre les années 1930 – guerre d’Espagne incluse, où il aurait soutenu les militants révolutionnaires espagnols contre les féroces bolcheviques –, et l’après-guerre, où il aurait fait la lumière sur l’enfer soviétique, avec des textes régulièrement réédités et exaltés, La ferme des animaux (1945) et 1984 (1949).
Que faut-il penser, à la lumière des archives originales accessibles et des nombreux travaux historiques anglophones censurés de fait par la non-traduction en français, de cette sacralisation qui unit tous les courants politiques de la droite extrême à « l’extrême gauche » dite « antistalinienne »? C’est du côté non médiatique que se situera le « café marxiste » du 12 octobre…
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ORWELL, UN AUTEUR DE GUERRE FROIDE
Par Gilles Questiaux
Depuis que Gérard Lébovici a réédité toute l'œuvre d'Orwell aux éditions Champ Libre, dans les années 1980, cet auteur a passé pour une icône révolutionnaire, d'abord chez les situationnistes de Guy Debord, puis parmi la foule de ceux qui ont été influencé par eux, le plus souvent sans le savoir.
Alors qu'il s'agit d'un romancier anticommuniste banal de la Guerre Froide (voir ses célèbres romans 1984 et la Ferme des Animaux, publiés en 1948) dont la promotion scolaire mondiale s'explique uniquement par son message politique sans ambiguïté. En terme de littérature d'anticipation, 1984 est un roman beaucoup plus faible pour dire l'avenir menaçant que son contemporain Meilleur des Mondes de Aldous Huxley.
Ce n'est ni un grand penseur, ni un grand écrivain. C'est un journaliste qui écrit des livres (d'où sa popularité dans la confrérie). Il avait produit avant la guerre des reportages biographiques-politiques : Dans la Dèche à Londres et Paris, Le Quai de Wigan, Hommage à la Catalogne, Souvenirs de Birmanie, où il s'engageait physiquement pour crédibiliser un message populiste sentimental et gauchiste, anti-intellectuel, et déjà, anticommuniste.
La common decency des gens simples tant vantée par Orwell et dont Jean Claude Michéa espère former la substance éthique du peuple révolutionnaire ne conduit à nulle prise de conscience. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la morale populaire commune, qui subsiste un peu partout, et qui si elle a un fond solide de maximes simples et saines pour vivre ensemble avec ses voisins et ses cousins, est volontiers traditionaliste, sexiste, xénophobe et homophobe ; il suffit de lire Orwell lui-même pour s’en convaincre. Quant au prolétariat, quelques soient les préjugés qu'il véhicule, il est reconstitué dans la lutte qui transcende ces limitations et produira à son issue des valeurs nouvelles qui lui seront propres, qui ne relèveront ni de la tradition conservatrice, ni de la consommation aliénée des marchandises modernes ou du libéralisme moral accompagnant l'individualisme de masse.
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